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n’obtiennent rien de la médecine est trop favorable aux intérêts de certains magnétiseurs pour qu’ils en confessent l’inanité. Ces somnambules, qui possèdent, dit-on, la science médicale infuse, n’ont pu découvrir un seul spécifique, et se traînent dans les voies battues du Codex sans le comprendre.

De l’aveu des observateurs sérieux et sincères, la connaissance des maladies se réduit chez les somnambules à la conscience plus ou moins claire des modifications organiques qui s’opèrent ou se préparent en eux. C’est là un phénomène dont le magnétisme animal ne saurait réclamer le monopole. Dans bien des maladies, et surtout dans les maladies nerveuses, la conscience de la crise qui va se produire se révèle d’une manière frappante; mais ce sentiment, plus souvent vague que précis, n’est en réalité qu’un premier symptôme. Des aliénés, des hystériques, prédisent leur accès; les épileptiques reconnaissent fréquemment, à un malaise précurseur, l’invasion prochaine de la crise. Que cette faculté de prévoir les changemens qui vont s’opérer dans l’organisme soit plus prononcée chez des personnes telles que les somnambules, dont la sensibilité est surexcitée, cela se conçoit, sans qu’on ait besoin de supposer un don prophétique particulier. D’ailleurs, si, dans quelques cas, les somnambules prédisent exactement l’instant où surviendra ou cessera une crise d’une certaine nature, il leur arrive aussi de se tromper grossièrement, de l’aveu même des adeptes du magnétisme animal, et ils ne prévoient jamais les circonstances indépendantes ou accessoires qui peuvent avancer, arrêter ou retarder l’invasion du mal ou le moment de la guérison. Ces prédictions, quelquefois surprenantes par leur exactitude, tiennent d’ailleurs aussi à un sentiment prononcé du temps, qui a été constaté par des observateurs de bonne foi, le général Noizet en particulier, et tout récemment par le docteur Puel chez une cataleptique dont il a soumis l’observation à l’Académie de médecine. Le sommeil ordinaire nous fournit des exemples d’un pareil sentiment. Certaines personnes ne se réveillent-elles pas précisément à l’heure qu’elles ont arrêtée dans leur esprit? Les animaux, qui n’ont ni montres ni horloges, possèdent aussi le même instinct, et tel chien de ma connaissance sait avec la dernière précision à quelle heure on lui apportera son dîner. C’est là une nouvelle analogie entre le sommeil et l’état somnambulique, bonne à noter ; toutefois le fait en lui-même demande encore une dernière vérification.

Le souvenir se présente non-seulement avec une extrême vivacité dans l’état somnambulique, mais il s’exerce d’une crise à l’autre de telle façon qu’on voit le somnambule accomplir, dans un certain accès, des actes qui sont la conséquence de ceux qu’il avait commencés