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de l’autre, on doit s’incliner devant la brutale toute-puissance du fait. Or, dans le rapport du ministre des travaux publics à la suite duquel a été rendu, le 24 février 1858, un décret déclarant libre le commerce de la boucherie dans la ville de Paris, se trouve ce passage remarquable : «La célérité avec laquelle les chemins de fer permettent d’amener aujourd’hui les bestiaux sur les marchés d’approvisionnement, la promptitude extraordinaire que procure le télégraphe électrique pour la transmission des ordres dans les pays d’élevage n’ont-elles pas créé une situation nouvelle?... » N’est-il pas probable, n’est-il pas certain que cette situation nouvelle correspond à une révolution singulière, dont il est impossible de ne pas tenir un grand compte dans les habitudes commerciales ? Dans combien d’industries ne supprimera-t-on pas des magasins devenus inutiles, et partant onéreux, par suite de la facilité et de la certitude avec lesquelles, en peu de jours et même en quelques heures, on peut s’approvisionner de matières premières achetées au moment opportun? Mais alors l’insuffisance des voies navigables, dont la lenteur et l’irrégularité sont malheureusement deux caractères essentiels, apparaît dans tout son jour, et quelques pessimistes se demanderont peut-être s’il leur reste un moyen de salut. Pourtant au nombre des projets de loi que le temps seul a empêché le corps législatif de discuter dans sa dernière session figurait un projet relatif à l’acceptation par l’état de l’offre, que font la ville de Colmar et plusieurs propriétaires ou industriels de l’Alsace, d’avancer une douzaine de millions pour la construction d’un canal destiné à desservir le bassin houiller de Sarrebruck, et d’un embranchement sur la ville de Colmar du canal du Rhône au Rhin. Ce fait prouve au moins que tout le monde ne désespère pas de l’avenir des canaux, et qu’on les regarde comme devant exister en même temps que les chemins de fer. Telle a toujours été la solution adoptée en France à l’égard de la rivalité, pressentie d’ailleurs dès 1838, entre les voies ferrées et les voies navigables. Il est même inutile de se reporter aux discussions qui ont lieu depuis vingt ans dans le sein de nos diverses assemblées législatives, ce point n’ayant jamais été l’objet d’aucune contestation. Il suffira de citer le passage suivant du rapport fait au corps législatif en 1857, par M. Lequien, à propos de la création de six grandes compagnies, qu’on a repré-