Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/837

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Russie méridionale occupe une partie de cette plaine immense qui commence en pointe au nord de l’Allemagne, s’abaisse insensiblement, de terrasse en terrasse, à travers le Jutland, le Holstein, la Prusse et la Pologne, sans rencontrer de montagnes, et vient se terminer à l’est au grand lac de la Mer-Caspienne, avec une dépression telle que le niveau du sol est plus bas que celui de la Mer-Noire et par conséquent de la Méditerranée. Cette plaine se continue en Asie, où elle couvre des espaces beaucoup plus considérables qu’en Europe, et on la retrouve jusque dans l’empire chinois. Les dépôts qui caractérisent cette immense étendue de terres paraissent avoir été abandonnés par une mer limoneuse et tranquille; ils sont disposés en couches régulières et horizontales. Toutefois les différentes assises ne sont pas de même nature, et l’on distingue alternativement des bancs de sables plus ou moins fins, des argiles plus ou moins calcarifères. Évidemment ces dépôts limoneux, épais en quelques endroits de 200 mètres, comme à Kiev, au-dessus de la vallée du Dnieper, se sont produits avant l’établissement des plaines où coulent les fleuves qui descendent du nord, le Bug, le Dniester, le Dnieper, le Don, le Volga et l’Oural, peut-être même avant l’apparition de la Mer-Noire et de la Mer-Caspienne. Les géologues pensent que cette formation limoneuse appartient à l’époque diluvienne qui a paru à la suite des terrains subapennins, et qui a précédé immédiatement les alluvions modernes. Ce qu’il y a de particulier dans la nature de ce dépôt diluvien, c’est qu’on n’y rencontre presque aucun débris organique fossile, ni coquillages, ni cailloux roulés. La base de ces limons est composée de sables fins très blancs que recouvrent des sables argileux et calcaires colorés par des oxydes métalliques; dans quelques endroits, on remarque des couches marneuses blanches et verdâtres; au-dessus, quelques lignes peu épaisses renferment des débris granitiques. Enfin le dépôt le plus récent présente des argiles sablonneuses d’une épaisseur de 5 à 10 mètres, qui constituent ces terrains meubles et fertiles connus des Anglais sous le nom de loams. De la base orientale des Carpathes jusqu’à l’Oural, la dernière couche argileuse est recouverte d’un humus ou terreau noir épais d’environ 60 centimètres. Cette région, ainsi enveloppée de terre noire et qui porte en Russie le nom de tchonioziome, est la partie la plus fertile de l’Europe, où elle occupe environ 100 millions d’hectares sur les parallèles qui constituent particulièrement la zone botanique des céréales. Il y a là un véritable magasin de richesses annuelles, assurément plus précieux que les terrains aurifères de la Californie et de l’Australie.

Le relief du terrain qu’on vient de décrire se compose d’une suite de plateaux elliptiques terminés par des vallées à chaque extrémité