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gauche. Outre la domination qu’il exerçait ainsi de Bellac à Trévoux, de Moulins à Annonay, le connétable de Bourbon avait en Poitou le duché de Châtellerault, en Picardie le comté de Clermont, dotation primitive du sixième fils de saint Louis, dont il tirait son origine. Possesseur de tant de pays, il devait être un sujet suspect pour François Ier, même en restant dans l’obéissance, et pouvait lui devenir un ennemi redoutable, s’il en sortait.

Des dynasties provinciales issues de la dynastie centrale des Capétiens, celle des Bourbons demeurait la seule. Les maisons apanagées de Bourgogne et de Bretagne, qui avaient suscité tant de guerres intestines, appuyé tant d’invasions étrangères, avaient pris fin récemment. Avec Charles le Téméraire s’était éteinte la postérité masculine de ces ducs de Bourgogne, qui, détachés les derniers de la tige royale, avaient fondé la plus formidable puissance au nord de la France, possédé presque tous les pays depuis les cimes du Jura jusqu’aux bords du Zuyderzée, disposé longtemps de Paris, soulevé plusieurs fois le royaume, fait asseoir sur le trône aux fleurs de lis le roi d’Angleterre, et tenu en échec Louis XI lui-même. Ce monarque heureux et habile, profitant d’un concours de circonstances qu’il ne dépendait pas de lui de faire naître, mais qu’il avait eu l’adresse de ne pas laisser échapper, avait su rattacher à la couronne les états de plusieurs grandes maisons apanagées. En peu d’années, il avait recouvré le duché d’Anjou par la mort du roi René, en qui finissait la descendance masculine directe de la seconde maison d’Anjou, et, en même temps qu’il était rentré dans le comté du Maine, il avait acquis le comté de Provence par le magnifique legs qu’il avait obtenu de Charles III expirant. Il avait repris la riche province de Bourgogne en vertu du droit de réversibilité à la couronne qu’il avait fait valoir les armes à la main avec non moins d’efficacité que d’à-propos, lorsqu’avait succombé devant Nancy son quatrième duc, ne laissant qu’une fille pour lui succéder. Enfin, immédiatement après lui, la vaste et indépendante Bretagne avait été incorporée au royaume par le mariage de son fils Charles VIII avec la duchesse Anne, unie ensuite à Louis XII, et dont la fille et l’héritière Claude avait épousé François Ier.

Ces incorporations de provinces avaient accru la force de la monarchie en même temps qu’elles avaient augmenté l’étendue de la France ; elles semblaient avoir également affermi la paix intérieure dans le royaume. Avec les ducs de Bourgogne et de Bretagne avaient disparu les périls des troubles féodaux, et, en ne rencontrant plus l’assistance de vassaux aussi puissans, les invasions étrangères devenaient moins faciles et moins fréquentes. La maison féminine de Bourgogne, qui conservait la Franche-Comté sur le flanc oriental de