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rant rien du roi, comptant peu sur le parlement, il dit avec une amertume altière « qu’il attendait des nouvelles de son procès pour savoir s’il serait duc ou Charles[1]. » L’issue n’en était pas éloignée et ne pouvait guère être douteuse. Sous la pression irrésistible de l’autorité royale, le parlement allait prononcer le séquestre des biens contestés[2], comme prélude de la dépossession du connétable, auquel il les retirerait pour les adjuger plus tard à la duchesse d’Angoulême et à François Ier.

Ce fut pendant qu’il était agité de ces craintes et en proie à ces ressentimens que le duc de Bourbon apprit l’arrivée de Beaurain à Bourg en Bresse. Il fallait se décider à traiter ou à rompre avec Charles-Quint, rester soumis à François Ier malgré de profonds mécontentemens, ou se révolter contre lui au mépris des plus saintes obligations. Le duc de Bourbon se décida pour la rébellion et la vengeance ; il fut prêt à conclure le pacte funeste qui, avec la puissance du roi, menaçait l’intégrité du royaume. Il n’alla cependant point à Bourg, de peur de se trahir. Sous le, prétexte d’un pèlerinage à Notre-Dame du Puy, il se rendit dans la partie la plus montagneuse de ses états, et il s’établit à Montbrison, capitale du Haut-Forez, avec toute sa maison[3]. C’est là qu’il fit venir l’ambassadeur de Charles-Quint, que n’avait pu joindre à Bourg l’envoyé de Henri VIII, master Knight, arrêté en route par divers incidens. Le connétable dépêcha vers Beaurain deux de ses gentilshommes, qui le conduisirent, à travers la principauté de Dombes, le Beaujolais, le Forez, jusqu’à Montbrison, où il entra le soir du 17 juillet, suivi de Loquingham, capitaine au service de l’empereur, et de Château, son secrétaire. Il fut enfermé pendant deux jours dans une pièce voisine de la chambre du connétable, et n’en sortait que la nuit pour traiter mystérieusement avec lui[4].

Le connétable avait réuni à Montbrison un grand nombre de ceux sur lesquels il pouvait compter. Avant d’y arriver, il avait eu à Varennes un long entretien avec Aymard de Prie, seigneur de Montpoupon, de La Mothe, de Lézillé, etc., et capitaine de cinquante hommes d’armes des ordonnances du roi, par l’aide duquel il croyait pouvoir se rendre maître de Dijon. Il était accompagné de deux hommes

  1. Interrogatoire de Saint-Bonnet du 24 septembre. — Mss. Dupuy, f. 43 r°.
  2. Suite de l’Histoire de Bourbon, p. 293 v°.
  3. Dans sa dépêche du 9 août, L. de Praet, après avoir appris de Château, qui était envoyé à Londres par Beaurain, tout ce qui s’était passé à Montbrison, l’écrivait à l’empereur en lui envoyant copie du traité conclu avec le duc de Bourbon : « Le dit Grasien revint accompagné de deux gentilshommes qui menèrent le dit Beaurain et sa compagnie jusques en une villette nommée Montbrison. Le d. Bourbon vint parler au d. Beaurain de nuit, etc. » — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  4. Déposition de Saint-Bonnet. — Mss. N° 484, f. 43 r° et v°. — Déposition d’Anne du Peloux, f. 71 v°.