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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/905

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coiffe de taffetas piqué[1]. « Monsieur de Warthy, lui dit le connétable en le voyant, vous me chaussez les éperons de bien près. — Monseigneur, lui répondit Warthy, vous les avez meilleurs que je ne croyais. — Pensez-vous que je n’ai pas agi sagement, si, n’ayant qu’un doigt de vie, je l’ai mis en avant pour éviter la fureur du roi? — Comment! monseigneur, répliqua Warthy, le roi n’a jamais été furieux envers aucun homme, et encore moins le serait-il en votre endroit. — Non, non, continua le connétable, je sais bien que M. Le grand-maître et M. Le maréchal de Chabannes sont partis de Lyon avec les deux cents gentilshommes, les archers de la garde et quatre ou cinq mille lansquenets pour me prendre ; c’est ce qui m’a fait venir en cette maison en attendant que le roi me veuille ouïr[2]. » Il s’éleva alors contre ceux qui, disait-il, l’avaient menteusement accusé, désigna Popillon, son chancelier, d’Escars, son chambellan, et les deux gentilshommes normands Matignon et d’Argouges. Il tint ensuite conseil avec les siens, hors de la présence de Warthy, pour savoir s’il s’enfermerait dans Chantelle et s’y défendrait. La place ayant été trouvée moins forte qu’on ne l’avait cru d’abord, quoiqu’il y eût quinze ou seize pièces d’artillerie, il ne fut pas jugé prudent d’y rester. Dans la crainte que les. troupes qui s’avançaient ne la cernassent le lendemain et ne l’empêchassent d’en sortir, il résolut de se réfugier vers une place d’un plus difficile accès, dans les montagnes du centre. Afin de donner le change sur ses intentions, il fit venir Warthy, lui remit une lettre pour le roi et le chargea de deux autres lettres pour le grand-maître et le maréchal de Chabannes. Il demandait à ceux-ci d’arrêter leurs lansquenets et leurs hommes d’armes jusqu’au lendemain deux heures après midi, promettant de ne pas bouger de Chantelle et offrant de s’aboucher avec eux pour se justifier. Il ajouta devant Warthy que, s’il sortait de Chantelle, ce ne serait que pour se rendre à quelques lieues de là et qu’il ne s’éloignerait point. — « Et où iriez-vous, monseigneur? lui dit Warthy, croyant qu’il lui serait impossible de fuir; si vous vouliez sortir du royaume, vous ne le sauriez, le roi y a pourvu partout. — Non, non, repartit le connétable, je ne veux point sortir, car j’ai des amis et des serviteurs[3]. »

Warthy prit congé de lui et partit accompagné de l’évêque d’Autun, qui portait à François Ier une sorte d’ultimatum ainsi conçu : « Pourvu qu’il plaise au roy luy rendre ses biens, monseigneur de Bourbon promet de bien le servir et de bon cœur, en tous endroits et toutes les fois qu’il lui conviendra. En témoing de ce, il a signé

  1. Déposition de Warthy. — Mss. Dupuy, f. 33 v°.
  2. Déposition de Warthy. — Ibid., f. 33 v° et 34 r°.
  3. Déposition de Perot de Warthy. — Ibid., 484, f. 35 v°.