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avaient paru vers la Bresse, prêts à pénétrer en France par la frontière de l’est. Au sud, les Espagnols, renforcés par les lansquenets que Charles-Quint avait fait venir de Zélande, traversaient les Pyrénées dans l’intention de se porter sur Bayonne et sur un autre point important de la Guienne, dont l’empereur croyait se rendre maître facilement à l’aide des intelligences qu’il s’y était ménagées[1].

François Ier semblait pris au dépourvu. Il avait envoyé la plus grande partie de ses forces en Italie et en Écosse pour s’emparer du Milanais et inquiéter par une diversion le roi d’Angleterre. Tandis qu’au dehors il prenait ainsi l’offensive, il avait négligé la défense de ses propres états. Hormis quelques places de la frontière, telles que Boulogne, Thérouanne, Doulens, etc., qui étaient bien fortifiées, les villes de l’intérieur n’avaient ni remparts pour les protéger, ni garnisons pour les défendre. Si les ennemis marchaient droit sur Paris, comme ils en avaient le projet, il était à craindre qu’aucun obstacle ne les empêchât d’y entrer. Le vaillant et expérimenté seigneur de La Trémouille, que François Ier avait chargé de secourir la Picardie, dès qu’il avait appris la descente des Anglais dans cette province, n’y avait trouvé que fort peu de monde à leur opposer[2]. Avec les faibles troupes dont il disposait, La Trémouille avait cherché, par d’habiles et rapides manœuvres, à arrêter ou à troubler la marche des Anglo-Flamands. Ceux-ci avaient paru devant Doulens, qu’ils avaient sommé de se rendre; mais cette ville, assez forte pour exiger un siège régulier, leur ayant résisté, ils avaient passé outre après être restés quelques jours sous ses murailles. Ils s’étaient avancés vers Bray-sur-Somme, qu’ils avaient pris et brûlé, afin de donner l’épouvante aux autres villes et de les déterminer à ouvrir leurs portes dans la crainte d’essuyer un sort semblable. Franchissant la rivière, dont les troupes françaises leur disputèrent vainement le passage, ils se portèrent, après les avoir culbutées, devant Roye et devant Montdidier, qui n’hésitèrent pas à les recevoir. De cette ville, où ils crurent que les lansquenets du duc de Bourbon pourraient les joindre pour marcher en force sur Paris, leurs coureurs se montrèrent jusqu’à Compiègne, Clermont-en-Beauvoisis et Senlis[3]. Ces villes, effrayées, firent demander du

  1. Lettre de Charles-Quint au duc de Sessa du 4 oct. Correspondance, etc., p. 198. — Du Bellay, t. XVII, p. 425-.
  2. « Le pays estoit merveilleusement mal porvou;... il n’y avoit gens de pied ni gendarmerie. » Lettre de d’Escars, écrite le 11 septembre de Montreuil au chancelier du Bourbonnais Popillon. — Mss., vol. 484, f. 110. — Du Bellay, t. XVII, p. 434.
  3. Lettre de François Ier à l’amiral Bonnivet et au maréchal de Montmorency, du 22 octobre, dans les Mss. Baluze, v., f. 200. — Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 170 à 174.