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REVUE MUSICALE


La saison musicale tire à sa fin ; les concerts, qui ont été nombreux, auront bientôt cessé, et les théâtres lyriques ne battent plus que d’une aile ; ils ont produit ce qu’ils avaient de plus intéressant et se préparent à traverser avec courage l’été qui s’avance, car pour le printemps il n’en est plus question dans ce bienheureux climat. Londres va hériter de nos dépouilles et possédera cette année deux théâtres italiens où des chanteurs français, allemands, russes, chanteront sur des paroles italiennes les Huguenots, le Pardon de Ploërmel, Fra-Diavolo, les Noces de Jeannette. Tous les artistes du monde, pianistes, violonistes, guitaristes, vont se trouver réunis pendant trois mois dans cette grande cité où l’on a inventé beaucoup de bonnes choses, excepté la musique et le goût nécessaire pour en apprécier les beautés. Cependant l’Opéra attend avec la plus vive impatience les deux sœurs Marchisio, deux cantatrices italiennes qui sont engagées depuis deux ans et qui doivent débuter dans la Semiramide de Rossini, qu’on traduit et qu’on dérange à cet effet. Puis une femme du monde qui ne doute de rien, appuyée du crédit d’un haut fonctionnaire, donnera un ouvrage en deux actes de sa façon, après quoi le Tannhauser de M. Richard Wagner sera traduit en français et joué sur la scène d’où Gluck, Sacchini, Spontini sont exilés !

Le Théâtre-Italien continue à donner des représentations extraordinaires au bénéfice de la direction, qui, sous un prétexte qui ne trompe personne, multiplie les hors-d’œuvre et use avant le temps un répertoire qui commence à fatiguer le public. M. Tamberlick est arrivé de Saint-Pétersbourg et nous est apparu dans Otello avec les qualités et les défauts que nous avons eu lieu de relever déjà. Il est toujours remarquable dans le duo de la jalousie, au second acte, et dans la grande scène finale si pleine de terreur et de passion. Mal secondé par M. Graziani, qui était chargé du rôle de Iago, et par Mme Borghi-Mamo, qui a prêté au rôle de Desdemona des accens affadis que Rossini n’a pas inventés, M. Tamberlick a dû supporter l’inconvénient de débuter dans un ouvrage admirable indignement mutilé, car on a supprimé jusqu’à trois morceaux. Tout cela se passe sous les yeux de je ne sais plus quel commissaire chargé de surveiller les théâtres subventionnés par l’état. Pour dédommager le public d’un répertoire monotone, la direction du Théâtre-Italien a eu la fantaisie d’évoquer un ouvrage que personne ne demandait : je veux parler d’il Crociato de Meyerbeer. Le maître a fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher une résurrection qui n’était désirée ni par les chanteurs, ni par les chefs qui président à l’exécution. C’est