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leurs forces se seraient épuisées[1], et que les troupes des confédérés se seraient accrues.

En même temps qu’il serrait étroitement Milan, Bonnivet ordonna au capitaine Bayard de se rendre, avec huit mille hommes de pied. quatre cents hommes d’armes et dix pièces d’artillerie, sur l’Adda, où il devait être joint par quatre mille Italiens levés la plupart dans le duché de Ferrare et placés sous les ordres de Federico da Bozzolo et de Renzo da Ceri[2]. À la tête de cette petite armée, Bayard devait occuper Lodi et prendre Crémone. Lodi ne lui opposa aucune résistance. Le marquis de Mantoue, général des troupes pontificales, n’y avait pas plus de cinq cents hommes de pied et de cinq cents chevaux. Il ne pouvait pas s’y maintenir avec si peu de monde : il en sortit en se dirigeant vers l’armée vénitienne, réunie à Pontevico sur l’Oglio, et il abandonna Lodi à Bayard, qui y laissa une garnison considérable, commandée par Federico da Bozzolo et qui marcha sur Crémone. Bayard commença le siège de cette place, dont les Français avaient jusqu’alors gardé le château et qui venait de recevoir de Prospero Colonna un puissant renfort. Après s’en être approché suffisamment, il mit ses pièces en batterie et il canonna les remparts de Crémone jusqu’à ce qu’il y eût ouvert une brèche assez grande pour y donner l’assaut avec l’espérance de l’enlever. Ces approches et ces attaques se firent presque sous les yeux de l’armée vénitienne, qui n’était pas à quatre lieues de distance, et qui, n’osant rien tenter ni même rien empêcher, laissait prendre cette importante place du Milanais sans y mettre obstacle.

Bonnivet se croyait sur le point de réussir[3]. La détresse de Milan, où, après la destruction des moulins et l’épuisement de l’ancienne farine, on fut plusieurs jours sans pain[4] ; la tiédeur des Vénitiens, qui ne donnaient aucune assistance à leurs confédérés malgré les engagemens qu’ils avaient pris avec eux ; la lassitude des Florentins, des Siennois, des Lucquois, qui ne fournissaient plus

  1. « Attendant que nostre armée eust passé sa fureur, et que l’hiver qui estoit proche l’eust mattée. » Du Bellay, Mémoires, p. 428.
  2. Du Bellay, ibid., p. 428, 429. — Galeazzo Capella, lib. III.
  3. Il en informait François Ier, qui lui écrivait de Lyon le 22 octobre en le complimentant d’avoir resserré la ville de Milan en plaçant des troupes « èz lieux d’où elle avoit aide et secours de vivres, de sorte que par ce moyen me rendrez bon compte de la d. ville de Milan, ou que vous essayerez de la forcer si voyez que par ce moyen-là ne la puissiez avoir. Je suis fort aise du bon espoir que avez de bien tost mettre la d. ville en mon obéissance, car ce seroit le jeu gaigné de l’autre costé, à mon très grant honneur, faveur et réputation, et grande deffaveur à tous nos ennemys tant deçà que delà. » Lettre de François Ier à l’amiral Bonnivet et au maréchal de Montmorency. Bibl. imp., mas. Baluze
  4. « Se stette quattro o cinque giorni che non se trovava pane, né alli prestini, ne in altri loghi. » Burigozzo, p. 442.