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pour lui, et quoique sur les questions spécialement philosophiques son style soit excellent par la simplicité, la propriété et l’exactitude, ce n’était pas un écrivain ; il n’accordait rien à l’agrément, à l’imagination ; il ne disait que l’utile. C’était donc presque toujours sous l’empire d’une provocation accidentelle, c’était pour une question particulière ou un intérêt de circonstance qu’il se décidait à publier, et il n’a guère fait que des morceaux détachés. Il ne finissait rien, et ses publications sont dès recueils un peu informes d’articles annotés, commentés, amplifiés de supplémens et d’appendices. Rien n’est fondu, rien n’est lié : ce ne sont que fragmens complétés par d’autres fragmens ; mais quelques-uns sont des chefs-d’œuvre.

Il avait tant d’éloignement pour tout ce qui ressemblait à un ouvrage, qu’il fallut que M. Peisse rassemblât et traduisît ses premiers articles philosophiques, pour qu’il se décidât à les publier sous son nom. Le recueil français, enrichi d’une introduction excellente, avait établi sa réputation sur le continent, lorsque, dix ans après, il réunit ses fragmens, y ajouta de longs mémoires sur l’éducation et la réforme des universités, et l’exposé technique de ses travaux sur la logique, d’une nouvelle notation et d’un nouveau diagramme pour servir à l’analyse du syllogisme. Ce volume, intitulé Discussions sur la Philosophie, la Littérature et l’Education, quoique un peu confus et d’une lecture difficile, eut un grand succès. Peut-être cependant n’est-il pas supérieur en importance à l’édition compacte des œuvres de Reid, qui l’avait précédé de quelques années. En voulant mettre à la disposition de ses élèves un livre de classe, Hamilton non-seulement donna un Reid plus complet, pour les ouvrages, la correspondance, la biographie, mais il l’accompagna de notes nombreuses et concises qui éclaircissent, développent, rectifient bien des points. La précision et le savoir y contrôlent le laisser-aller de l’auteur original, plus judicieux que rigoureux. De plus l’éditeur y a joint sept dissertations qui formeraient la matière d’un ouvrage. Celles sur le sens commun, la connaissance intuitive et représentative, la perception, la sensation, sont les fondemens de toute une philosophie ; mais telle est la bizarre répugnance de l’écrivain pour rien terminer, que la septième dissertation n’est pas finie. Le volume a été publié incomplet, et il restera tel. J’en avertis les bibliophiles, qui doivent en prendre leur parti et le faire relier comme si de rien n’était.

On devait espérer que sir William Hamilton aurait laissé d’autres travaux dignes d’être livrés au public, ne fussent-ils que commencés. On était sûr au moins que ses leçons avaient été écrites ; il n’était pas à craindre que rien de ce qui pouvait achever de le faire bien connaître restât dans l’oubli. Il a laissé des disciples fidèles à