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furent ainsi étudiées avec le plus grand soin. Chaque éducateur fut soumis à un véritable interrogatoire, dont les résultats étaient immédiatement consignés sur mon carnet. Sans cesse accompagné de quelque propriétaire dont l’intérêt garantissait la vigilance, je ne pouvais évidemment recueillir que des notes d’une parfaite exactitude. Enfin, de retour dans mon Hôtel-Dieu, je comparais à loisir les résultats de la grande et de la petite éducation, j’étudiais les effets du régime et de l’hygiène, je tentais des essais de médication ; enfin j’ouvrais de nombreux cadavres et reproduisais, dans des dessins constamment contrôlés par les intéressés, les caractères appréciables du mal qui fait de si effrayans ravages.

Dès cette première campagne, il me fut ainsi possible d’apprendre beaucoup sur la nature de ce mal étrange, sur son état habituel de complication, sur les deux élémens dont il faut toujours ici tenir compte, sur les moyens, sinon de lui échapper complètement, du moins d’en atténuer les effets et d’éviter les désastres ; mais on comprend que je dus aussi constater bien des faits encore inaperçus, dont l’avenir seul pouvait faire connaître la signification. Les éducations de l’année suivante, des expériences instituées d’avance, pouvaient seules lever bien des doutes, infirmer ou confirmer bien des présomptions. Lors même que mes convictions personnelles étaient déjà arrêtées, je ne pouvais les émettre sur des questions aussi graves qu’en les appuyant de preuves décisives. Une seconde campagne était donc nécessaire, et l’Académie des Sciences en jugea ainsi.

Cette fois le programme de ma mission devenait tout autre : il me fallait étendre le champ des observations, et surtout reconnaître jusqu’à quel point les données recueillies dans trois vallons des Cévennes s’appliquaient au reste de la France. Autant j’avais été sédentaire en 1858, autant je devais multiplier mes courses en 1859. Je parcourus huit de nos départemens le plus sérieusement adonnés à la culture du mûrier ; je visitai deux cent quatre-vingts chambrées appartenant à une centaine de propriétaires, et échelonnées depuis le bord même de la mer (Toulon et Cette) jusqu’à une hauteur inférieure à peine de quelques mètres à la limite supérieure des châtaigniers (Prunet dans l’Ardèche). J’embrassai ainsi l’ensemble des conditions générales dans lesquelles sont placés en France les éducateurs de vers à soie. Je pus surtout revoir à diverses reprises les mêmes faits et contrôler mes propres observations. Grâce à la différence des climats, je trouvai à Draguignan les vers d’un essai près de subir leur quatrième mue dès la mi-avril ; aux premiers jours de mai, j’étudiai des chrysalides dans le département de Vaucluse, et en revanche le 4 juillet je visitai encore dans