Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de l’expérience des autres que de mes propres recherches. Elles ne sont d’ailleurs ni étranges ni difficiles à suivre. On peut les ramener à deux points fondamentaux : se conformer strictement aux prescriptions de l’hygiène pendant l’élevage, reconnaître et éliminer avec soin tout ver, tout papillon impropre à donner de la bonne graine. Un simple examen à la loupe, fait par un œil un peu exercé, permet de remplir cette dernière indication. Les taches dont j’ai parlé plus haut trahiront les insectes qui transmettraient à leur postérité le germe de la maladie. L’isolement des femelles, la ponte solitaire empruntée aux procédés de M. Mitifiot, compléteront utilement cet ensemble de pratiques grâce auxquelles il est certainement possible à notre industrie séricicole d’échapper à l’impôt que prélève sur elle le commerce des graines et de braver les sinistres éventualités de l’avenir.

Toutefois, qu’on ne s’exagère pas le sens de mes paroles, je ne saurais garantir à quiconque suivra, même le plus strictement possible, les indications dont je parle un succès assuré et constant. Je regarde même comme inévitable un certain nombre d’échecs individuels ; mais j’ai la ferme conviction qu’ils seront en très petit nombre, et d’ailleurs il existe un moyen bien simple d’y remédier. Au lieu de rester isolés, comme ils ne sont que trop portés à le faire, que les sériciculteurs s’associent ; qu’il se forme partout de petits groupes de cinq ou six propriétaires, se garantissant réciproquement leur provision d’œufs ; que chacun d’eux élève deux ou trois petites chambrées pour graine. La très grande majorité de ces éducations, faites avec des œufs des provenances les plus sûres, réussira certainement, et le rendement suffira, et au-delà, pour approvisionner les sociétaires. Que ces associations se multiplient, et dans peu d’années, — j’en ai la ferme conviction, — la France se sera remise en graine. Alors, si le fléau continue à se comporter comme toutes les épidémies, si, à mesure qu’il s’éteindra chez nous, il pèse plus lourdement sur les contrées récemment envahies, nous pourrons réparer une partie de nos pertes et faire rentrer quelques-uns des millions exportés en vendant de la graine aux pays qui nous en envoient depuis dix ans.

Puisse cette perspective secouer un peu l’étrange apathie que je n’ai que trop constatée chez l’immense majorité de nos sériciculteurs ! Puissent-ils comprendre que la crise actuelle doit leur apporter des enseignemens, et qu’ils peuvent faire sortir un bien réel de ce mal sous lequel ils se laissent accabler ! Leurs méthodes d’éducation sont manifestement vicieuses ; elles ont grandement aidé à la propagation, à la persistance de l’épidémie ; elles en ont centuplé les ravages. Qu’ils y renoncent donc au plus vite ; qu’ils acceptent