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grès. Notre ministre des affaires étrangères, sans prendre d’engagement formel à cet égard, pensait que la discussion ramènerait à proposer de donner Parme, Plaisance et Massa-Carrara à la Sardaigne, de restaurer la dynastie de Lorraine en Toscane, et de placer Modène sous le duc de Parme et la duchesse sa mère. Trois lignes écrites par lord Cowley à lord John Russell le 23 décembre apprennent que le congrès se réunira le samedi 21 janvier ; mais le 1er janvier l’ambassadeur anglais envoie à son ministre le billet de décès. L’on dirait, si les grandes affaires pouvaient se prêter au comique, que le fantôme du congrès a disparu au dénoûment dans une chausse-trappe. Nous le répétons, ce n’est pas nous qui nous plaindrons du changement salutaire qui s’est opéré alors dans la conduite de nos affaires extérieures. De politique nette, ferme, conséquente avec elle-même, on n’en rencontrait jusque-là que dans le cabinet anglais ou dans la cour de Vienne. Johnny Russell, si l’on nous permet vis-à-vis d’un personnage aussi illustre les familiarités bienveillantes que prennent avec lui ses compatriotes, Johnny Russell, avec sa placide ténacité dans le principe libéral, avait fini par devenir le représentant le plus conséquent et le plus complet de cette cause de l’affranchissement de l’Italie, pour laquelle c’est nous cependant qui avions remporté les victoires de Magenta et de Solferino. Il était temps de rentrer dans la vérité de notre rôle et de n’en plus prêter complaisamment les profits et l’honneur à l’Angleterre. En agissant ainsi, nous ne finissions pas sans doute en un jour les difficultés et les périls de la question italienne ; mais, pour surmonter les unes et braver les autres, nous acquérions la plus grande force auxiliaire que l’Europe pût nous offrir dans le concours de l’alliance anglaise. Déjà nous avons trouvé dans cette alliance une force morale qui ne nous a pas peu aidés à convaincre l’Autriche qu’elle ne doit pas troubler par une agression téméraire le nouvel arrangement de l’Italie. Nous devons à cette alliance le secours des propositions anglaises, expression et résumé de la politique que lord John Russell n’a cessé de conseiller depuis sa remarquable dépêche du 25 juillet, et ces propositions sont un puissant arc-boutant auquel nous avons pu appuyer notre nouvelle politique.

Nous n’avons pas encore le droit de nous expliquer sur cette politique nouvelle : elle en est à ses préliminaires, et quoique depuis un mois des dépêches émanées de notre ministère des affaires étrangères, et écrites dans cette langue des grandes affaires que nous aimons à retrouver dans les papiers d’état de notre pays, lui aient imprimé aux yeux du public une attitude correcte et délibérée, ce n’est que lorsqu’elle aura produit les actes qu’elle promet pour la réorganisation de l’Italie que nous croirons pouvoir la juger. Nous l’avons déjà dit, cette politique a maintenant du champ devant elle. Deux faits lui ont déblayé la voie : le raffermissement du cabinet anglais, avec lequel nous devons la supposer d’accord dans ses vues générales sur l’organisation nouvelle de l’Italie, et la réponse de l’Autriche à la dépêche de M. Thouvenel, car cette phrase de la dépêche : « si la différence