Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tramant dans l’ombre les complots qu’arrêta pour le moment le l’établissement du roi, et qui, un peu plus tard, éclatèrent à Paris dans la fameuse journée des dupes. Richelieu avait assez à faire de disputer le cœur du roi à la reine-mère, et il se bornait à guider le maréchal de Schomberg par des instructions très générales. Il s’occupait surtout de lui envoyer des renforts ; il fit venir de Champagne la petite armée du maréchal de Marillac, et força celui-ci, malgré sa mauvaise volonté et ses lenteurs calculées, d’aller rejoindre Schomberg dans la Haute-Italie.

En même temps que l’Espagne avait ôté à Spinola le pouvoir de traiter de la paix, l’Autriche l’avait aussi enlevé à Collalto pour le transporter à la diète de Ratisbonne, où depuis quelque temps s’agitaient toutes les grandes questions européennes et se préparait là paix générale. Collalto n’avait plus que le droit, inhérent au commandement militaire, de conclure des suspensions d’armes plus ou moins étendues. Ce pouvoir suffisait aux vues de Mazarin et à l’accomplissement de l’ordre qu’il tenait de Richelieu : retarder la chute de Casal de quelques jours, de quelques heures, par quelque moyen que ce fût, et donner à Schomberg le temps d’arriver. Il pressa donc le général autrichien, par suite de l’arrangement dont ils étaient convenus, d’accorder une suspension d’armes aux mêmes conditions que nous avons indiquées et que Richelieu avait acceptées. Collalto, parfaitement informé par son gouvernement et qui savait la paix prête à sortir des conférences de Ratisbonne, souscrivit sans difficulté à un armistice qui lui en semblait la préface. Le marquis de Sainte-Croix était venu au commencement du mois de septembre remplacer Spinola dans le commandement de l’armée espagnole, et comme cette armée était demeurée quelque temps un peu livrée à elle-même, il la trouva dans une telle confusion que Mazarin n’eut pas de peine à lui faire agréer[1] l’armistice déjà consenti par Collalto. Il le lui fit même considérer comme une bonne fortune[2] en lui montrant que s’il tardait seulement quelques jours, il serait placé entre la garnison de Casal, capable encore de quelques sorties vigoureuses, et l’armée de Schomberg, enhardie par ses succès. De son côté, le général français, qui n’avait pas encore reçu les renforts que lui devait amener Marillac, et auquel Toiras écrivait sans cesse qu’il était réduit à la

  1. L’auteur de l’Histoire du Maréchal de Toiras, Paris 1644, in-folio, dit que Spinola, avant de tomber malade, s’était servi du seul pouvoir qui lui restât, et avait signé la trêve le 4 septembre ; il est en cela suivi par le père Griffet, t. II, p. 29 ; mais Benedetti et Brusoni, si bien instruits des choses italiennes, s’accordent à représenter le marquis de Sainte-Croix comme ayant signé la trêve.
  2. Benedetti, p. 33.