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comme Italien, ingrat comme pape. Il menaça les Vénitiens de les faire repentir plus tard de lui avoir manqué de foi sans motif. Il dit que le duc de Ferrare pourrait bien pleurer un jour l’assistance qu’il accordait aux Français. Il défendit au duc de Sessa de parler désormais de Luther à Rome. Il avait promis, lorsqu’il était satisfait du pape, d’agir vivement en Allemagne contre l’hérésie en progrès, qu’il ne se proposait plus d’y poursuivre alors qu’il était mécontent de lui. Il ajouta du reste qu’il fallait dissimuler en attendant qu’on pût traiter chacun comme il le méritait, suivant qu’il aurait fait le bien ou le mal. Le duc de Sessa devait négocier une paix ou une trêve en se conformant aux instructions du vice-roi de Naples.

Le roi d’Angleterre témoignait plus ouvertement encore son irritation contre le pape ; il envoya le chevalier Gregorio Casale à Rome avec des lettres remplies de plaintes et de menaces. Il blâmait amèrement Clément VII de consentir à ce que l’état de Milan fût laissé au roi de France. Si, dans son mécontentement, l’empereur se refusait à comprimer la croyance luthérienne en Allemagne, lui, dans sa violence, menaçait de l’introduire en Angleterre[1]. Extrême en tout, ce prince véhément, qui avait obtenu naguère de Léon X le titre de défenseur de la foi pour avoir soutenu l’orthodoxie romaine contre Luther, était prêt alors, par ressentiment politique, à se détacher du saint-siège, comme il s’en détacha un peu plus tard sous les emportemens d’une passion déréglée.

Mais bientôt tout changea de face en Italie ; les négociations reprises à Rome n’eurent aucune suite. Le vice-roi de Naples, qui était descendu jusqu’à Crémone dans l’espérance fort vaine de contraindre le roi de France à rappeler le duc d’Albany, revint dans la position qu’il avait un moment quittée. Il y fut joint successivement par les lansquenets de George Frundsberg, de Marx Sittich d’Ems, de l’archiduc Ferdinand et du duc de Bourbon, descendus des Alpes au cœur de l’hiver et arrivés au camp de Lodi du mois de décembre au mois de janvier[2]. Le duc de Bourbon était alors prêt à poursuivre vigoureusement sur le Tessin la guerre qu’il avait voulu, après sa retraite de Provence, transporter dans la vallée même de la Seine. Il avait en effet proposé au roi d’Angleterre de descendre en Picardie au moment où François Ier était avec toutes ses forces en Italie. Il lui avait demandé 200,000 écus d’or pour lever lui-même immédiatement en Allemagne une armée dont il choisirait les capitaines,

  1. Lettere di Principi, t. Ier, p. 147.
  2. « Sire, des dix mille Allemands que avoie mandés sont venus les six mille. Le reste vient. » Lettre de Lannoy à Charles-Quint, du 2 décembre. — Archives imp. et roy. de Vienne. — Et lettre de Lannoy à l’archiduchesse Marguerite, du 17 janvier 1525, dans Captivité, etc., p. 47 et 48.