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ville d’Achaïe, la plus rapprochée de l’Argolide, distante seulement d’une journée de marche. Sans industrie et sans arts, les villes de la confédération achéenne étaient obligées de demander aux sculpteurs étrangers les statues de leurs dieux. Les plus voisines d’Argos s’adressaient à l’école d’Argos ; c’est ce que faisaient AEgium et Pellène. Lorsque cette dernière voulut consacrer à Minerve une statue d’or et d’ivoire, travail délicat et somptueux, elle appela Phidias, soit que sa réputation commençât déjà à s’étendre, soit qu’Agéladas l’eût recommandé comme son élève le plus distingué. Mais comment les Pelléniens eussent-ils été chercher à Athènes un artiste à ses débuts, lorsqu’ils avaient à Argos une école si célèbre ? La statuaire chryséléphantine ne produisait guère dans ce temps-là que des figures colossales. C’était peut-être une nécessité autant que le goût de l’époque, car la toreutique n’avait pas encore atteint sa perfection, et les difficultés d’un art aussi compliqué grandissent à mesure que les proportions décroissent. En outre, afin d’assurer à sa statue une éternelle fraîcheur, Phidias prit une précaution qu’il ne renouvela que pour ses plus beaux colosses, la Minerve du Parthénon et le Jupiter d’Olympie. L’ivoire se fend par la sécheresse, et ce danger était particulièrement à craindre dans une ville située sur une hauteur et exposée à l’air vif des montagnes de i’Arcadie. C’est pourquoi Phidias fit creuser sous le piédestal de la statue un souterrain qui entretenait une humidité salutaire. Tant de soins dénotent une œuvre considérable, dénotent surtout la présence de l’artiste.

Ainsi non-seulement Phidias trouva chez des sculpteurs étrangers à l’Attique les leçons qui développèrent son talent ; ce fut même hors de sa patrie qu’il jeta les premiers fondemens de sa gloire. Quand il revint dans Athènes, son nom l’y avait précédé. Au lieu des longs dégoûts qui attristent l’entrée d’une carrière, de magnifiques travaux l’y attendaient. Athènes et Platées lui confièrent aussitôt le soin d’immortaliser leurs victoires.


II

Les dates différentes qu’on a fixées à la naissance de Phidias et les calculs pour établir les époques de sa vie dépendent d’un point historique intéressant déjà par lui-même, car il éclaire un des traits du caractère athénien : l’amour de la gloire poussé jusqu’au mensonge. Les annales grecques n’offrent guère moins de prise au scepticisme que les annales romaines. Seulement la Grèce brode mille fables sur un fond vrai, tandis que l’esprit romain, peu capable de souplesse et de mesure, remanie à son gré des siècles entiers, ce