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du côté de Lyon et marcherait sur Paris, l’intimidation que la prise d’une ville bien fortifiée inspirerait à toutes les autres, qui ouvriraient leurs portes afin d’éviter les périls d’un siège et les calamités d’une prise d’assaut ; enfin l’obligation où serait François Ier s’il voulait secourir Marseille, d’offrir la bataille, qui serait acceptée, et l’impossibilité, s’il était vaincu comme Bourbon l’espérait, de couvrir son royaume resté sans défense[1].

Dans la nuit du 14 août, le duc de Bourbon, avec le marquis de Pescara et deux mille Espagnols, alla reconnaître lui-même l’assiette et les défenses de Marseille, qu’il avait déjà fait examiner par deux capitaines expérimentés, qui les avaient trouvées extrêmement fortes. Il en parcourut et visita les dehors avec le plus grand soin, et, malgré les évidentes difficultés de l’entreprise, il n’hésita point à s’y engager[2]. Le 19 août, il parut devant la place, que cerna l’armée impériale[3].

La ville de Marseille se dressait alors sur un coteau assez spacieux et d’un accès difficile. Au sud, elle descendait jusqu’au port, dont elle couvrait tout le bord septentrional, sans s’être jetée encore vers le bord méridional, où s’élevait l’antique abbaye de Saint-Victor. À l’ouest, elle longeait le rivage de la mer, dont les flots la baignaient en plusieurs endroits. Au nord, elle remontait en amphithéâtre au sommet de la colline, que couronnaient ses tours et ses murailles, à douze ou quinze cents pieds desquelles étaient construites la chapelle et la léproserie de Saint-Lazare. Elle formait du côté de l’est une ligne sinueuse qui, de la porte d’Aix, aboutissait en se courbant à l’extrémité intérieure du port. Ni le Cours, extension de cette ligne, ni la Cannebière, suite du port, n’existaient encore. Ainsi resserrée, se déployant en étages sur un terrain montueux que la mer protégeait de deux côtés et qu’entouraient des deux autres des murailles flanquées de bastions, garnies de tours, précédées de fossés, la ville de Marseille pouvait soutenir un long siège, pour peu qu’on lui donnât le moyen et qu’elle eût la volonté de résister.

Or rien ne manquait à la défense ; tous les préparatifs en avaient été faits de fort bonne heure. Dès le mois de juin, avant que les impériaux franchissent les Alpes, François Ieravait envoyé à Marseille le

  1. Lettres de Richard Pace à Wolsey des 26 et 31 août. — Vitellius, B. VI, f. 193.
  2. Dépêche de Pace du 31 août. — Ibid.
  3. Dépêche de R. Pace du 31 août.— Dans un journal manuscrit du siège de Marseille par Honorat de Valbelle, qui prit part à la défense de la ville, et dont M. Rouard, bibliothécaire de la ville d’Aix, possède une belle copie qu’il a eu l’obligeance de me communiquer, il est dit à la date du 19 août : « Lo camp dcl dich Borbon ambe (avec) lo dich de Pescairo torneron davant Marseilla, los quais foron festegas (furent festoyés) do nostro artillerie et de los galleros que leu tueron plusors de leu gens. »