dit avec Mme Alboni le duo Là ci darem la mano, et l’exécution de tout le reste a été à peu près tolérable. Mme Penco, dans le rôle de donna Anna, a eu quelques élans tragiques dont il faut lui tenir compte, car il est bien évident qu’elle n’a point été élevée pour chanter la musique de Mozart. Mais un triste événement que nous voudrions pouvoir passer sous silence, c’est l’apparition de M. Roger au Théâtre-Italien. Il faut que cet artiste distingué soit le jouet d’étranges illusions pour croire aux folles louanges qu’on lui adresse depuis si longtemps, et dont, plus que personne, il devrait connaître le prix. Eût-il la voix qu’il avait il y a une dizaine d’années, M. Roger ne serait encore qu’un chanteur médiocre dans le style de la musique italienne, qui exige un accent, une ampleur et une flexibilité d’organe qu’il n’a jamais possédés. En général, le talent de M. Roger a été beaucoup surfait, et, dans l’histoire du chant dramatique en France, il n’occupera jamais que le second rang. C’est le 4 février que M. Roger a abordé, au Théâtre-Italien, le rôle d’Edgardo dans le chef-d’œuvre de Donizetti, Lucia ; puis il a chanté successivement dans la Traviata et dans il Trovatore de M. Verdi. Nous n’insisterons pas davantage sur une malheureuse tentative que les amis intimes de M. Roger n’ont pu lui épargner.
Le Roman d’Elvire est l’ouvrage nouveau qui a été représenté à l’Opéra-Comique le 3 février. L’histoire du sujet de la pièce est fort compliquée, car il s’agit d’une marquise de Villabianca qui, au moyen de stratagèmes qui touchent presque à la magie, épouse un chevalier Gennaro qu’elle aime. Or le chevalier se montre peu digne d’un amour aussi constant. Joueur et viveur étourdi qui a déjà mangé plusieurs héritages, le chevalier Gennaro est mis en rapport avec la vieille marquise de Villabianca, qui vient réclamer à Palerme, contre le podestat Malatesta, une fortune de plusieurs millions. Dans un moment de gêne, le chevalier s’adresse à une bohémienne célèbre, Lilla, dont les philtres mystérieux, dit la renommée, peuvent changer une montagne en une masse d’or ; il lui demande de lui prêter une somme dont il a un absolu besoin pour apaiser des créanciers un peu récalcitrans. La bohémienne, qui s’entend avec la marquise de Villabianca, lui offre, au lieu de la somme qu’il réclame, un diamant de grand prix qu’elle a créé elle-même au fond de son creuset magique ; mais elle exige une reconnaissance par écrit qui constate le prêt qu’elle lui fait. Cette reconnaissance devient entre les mains de la vieille marquise, qui cache, sous ses rides fictives, vingt-cinq ans, un beau visage et un cœur épris, l’instrument d’une vengeance qui se déroule en scènes qui ne sont pas dépourvues de gaieté. Le tout se termine, on le pense bien, par le mariage de la marquise avec le chevalier. On attribue cet imbroglio, renouvelé de beaucoup de vaudevilles suffisamment connus, à MM. Alexandre Dumas et de Leuven, à qui on peut pardonner l’invraisemblance de la donnée en faveur des quiproquos amusans que la mise en scène fait surgir. On a vu des pièces aussi absurdes et plus ennuyeuses que le Roman d’Elvire. La musique est l’œuvre de M. Ambroise Thomas, un compositeur de mérite et un galant homme que nous voudrions pouvoir louer tout à notre aise ; mais nous sommes forcé de convenir que l’auteur de trois ou quatre partitions ingénieuses qui sont restées au répertoire, telles que le Caïd et le Songe d’une nuit d’été, a été rarement plus mal inspiré qu’en écrivant les trois actes du Roman d’Elvire. Ni l’ouverture, ni aucun