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suffit d’ouvrir la carte de Brashaw pour juger du dédale qui constitue le réseau anglais. Eh bien ! ce réseau ainsi mal combiné, qui atteint aujourd’hui 15,303 kilomètres (ce qui, pour une population et un territoire comme les nôtres, représente au moins 20,000 kilomètres en France), a donné encore, en 1858, plus de 38,000 francs par kilomètre. S’il en est ainsi dans un pays où la concurrence la plus étendue existe non-seulement par la multiplicité des chemins de fer mêmes, mais par le fait des canaux, par celui du cabotage, plus considérable que partout ailleurs, dans un pays très restreint quant aux rayons du point central à la circonférence, et qui, à cause de sa position exceptionnelle, n’a aucun commerce de transit, il est bien permis d’espérer qu’en France, où d’autres conditions se présentent[1]), la moyenne du revenu kilométrique sera au moins égale à celle de nos voisins. Si elle est égale, cela constitue au réseau secondaire un rendement brut de 30,000 francs par kilomètre. Même en nous en tenant aux évaluations de la commission, à 7,500 francs de revenu net par kilomètre, si cela ne suffit pas pour dégager la responsabilité de l’état, cela suffit au moins pour faire que les compagnies n’aient rien à y ajouter sur leur revenu réservé. On est donc à peu près assuré que le minimum du revenu réservé aux compagnies ne sera pas entamé, et que, grâce à la loi du 11 juin 1859, les actionnaires continueront à jouir à peu près des dividendes qu’ils ont touchés pour l’exercice 1857.

Si telle est la situation faite aux actions, voyons celle qui existe pour les obligations. Les compagnies ont deux sortes d’obligations : les unes qui ont été émises pour l’exécution de l’ancien réseau, et qui restent soumises aux anciennes lois qui les régissent ; les autres qui seront émises pour l’exécution du nouveau, et qui jouissent de la garantie nouvelle de 4,65 accordée par la loi du 11 juin 1859. Les premières ne possèdent qu’en partie la garantie de l’état qui a été stipulée lors des concessions ; quant aux autres, cette garantie les couvre totalement en tant que la dépense du nouveau réseau ne dépassera pas les évaluations admises. Toutefois cette distinction, bonne en théorie, ne signifie rien vis-à-vis du public : pour lui, toutes les obligations sont les mêmes. L’état n’a pas garanti telles ou telles obligations spécialement, il a garanti une certaine somme devant équivaloir à certaines dépenses ; si la compagnie à laquelle cette garantie a été accordée renferme ses dépenses dans ces limites, ou si elle n’en sort que jusqu’à concurrence de son capital social, la

  1. Nos chemins de fer ont été mieux combinés sous le rapport de tracé que les chemins anglais ; les rayons qui s’étendent du point central à la circonférence ont plus de développement, le commerce de transit est de plus en plus important, la concurrence moins redoutable de la part des canaux et du cabotage. Enfin le réseau aujourd’hui concédé n’atteindra jamais que les trois quarts de ce qu’il est en Angleterre.