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remboursement que ne possède pas la rente. Nous savons bien que, dans l’appréciation du taux auquel se négocie une valeur, il faut tenir compte de son ancienneté, de la notoriété dont elle jouit ; la rente est plus ancienne que les obligations et plus généralement connue, surtout depuis les dernières souscriptions publiques qui l’ont fait pénétrer partout. La rente a en outre pour elle les placemens obligatoires ; certains capitaux mobiliers, ceux des mineurs, des établissemens publics, des caisses d’épargne et des dotations de diverses natures ne peuvent pas recevoir d’autre affectation : tout cela lui constitue des privilèges et lui donne un marché plus large qu’à toute autre valeur. Cependant nous ne croyons pas nous tromper en disant que cela ne suffirait pas pour lui assurer une faveur de plus de 15 pour 100 sur des valeurs ayant la même garantie comme solidité, à peu près la même facilité comme négociation, et de plus une prime de remboursement qui en double presque le capital, d’autant plus que si la rente a le privilège de certains placemens, les obligations, par cela seul qu’elles donnent un revenu plus élevé que la rente, ont la faveur à peu près exclusive des capitaux qui ont le choix. Il n’est pas indifférent pour le petit capitaliste d’augmenter son revenu de 15 pour 100, d’avoir pour la même somme 3 fr. 50 c. de revenu au lieu de 3 fr.

On a dit que c’était l’émission multipliée des obligations qui en avait avili les cours, et on rappelle qu’en 1853, lorsqu’on émit pour la première fois les obligations sous la forme qu’elles ont aujourd’hui, on les émit à 340 fr., ce qui représentait du 3 pour 100 à 68 fr. ; on oublie qu’alors la rente était à 80 et 81 fr., et que par conséquent la différence entre les deux valeurs était toujours à peu près la même, sinon plus élevée. D’ailleurs, si depuis on a émis pour 2 milliards d’obligations, on a émis aussi pour 2 milliards de rentes ; la cause qui a fait émettre les unes était productive, tandis que celle pour laquelle ont été émises les nouvelles rentes n’a rien ajouté à la richesse publique. Nous ne voulons pas dire toutefois qu’on ne puisse trouver dans les émissions multipliées des obligations une des raisons qui les ont fait baisser du cours de 340 francs à celui de 290 francs, de même que les emprunts considérables ont contribué à ramener la rente du cours de 80 fr. à celui de 68 fr. Cela est incontestable, mais cela n’explique pas l’écart constant qui a eu lieu entre les deux valeurs ; il tient évidemment à autre chose : il doit tenir à un mode d’émission défectueux.

Dans ce qui constitue le prix d’une valeur comme dans ce qui constitue le prix d’une marchandise, il y a deux élémens dont il faut tenir compte : l’utilité et le rapport de l’offre à la demande. Prenez deux valeurs ou deux marchandises ayant la même utilité, si le rapport de l’offre à la demande est différent, le prix sera différent ;