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un mouvement de rotation autour de son axe, qui était aussi celui de l’arme. Au dehors, il offrait à l’air une prise égale de toutes parts, éprouvait par suite des résistances symétriques, et conservait une marche très régulière, aussi loin du moins que sa trajectoire ne différait pas trop d’une ligne droite. Outre cet avantage, le système des rayures en hélice connu sous le nom de carabinage a aussi celui d’entretenir la propreté de l’arme, chaque balle entraînant avec elle la crasse déposée au coup précédent.

Dès 1826, M. Delvigne, alors sous-lieutenant dans la garde royale, voua son existence à l’amélioration des armes à feu, et entreprit d’obtenir pour le fusil de guerre les bénéfices du carabinage, dont la complication du mode de chargement connu ne lui permettait pas de profiter. Il imagina de loger la poudre dans une chambre plus étroite que l’âme du fusil, où les rebords faisaient une saillie : c’est contre ces rebords que s’arrêtait une balle d’un calibre un peu juste, mais qui pouvait néanmoins entrer librement. Quelques coups de baguette aplatissaient assez la balle pour la mettre en prise dans les rayures ; elle était alors forcée, et ne pouvait plus sortir sans suivre les hélices qui lui imprimaient le mouvement de rotation désiré. Par cette idée, aussi simple qu’heureuse, la carabine se trouvait désormais classée au nombre des armes en état de servir à la guerre, et elle n’a plus cessé d’y être employée ; mais ce n’a été que le point de départ d’une série de recherches, parfois infructueuses, souvent entravées par des difficultés imprévues, toujours poursuivies avec ardeur et une inébranlable ténacité, qui ont conduit beaucoup au-delà du premier résultat. Une école de tir a été fondée à Vincennes pour suivre ces études spéciales et pour former à l’emploi des armes nouvelles des officiers chargés d’en propager et d’en diriger l’usage dans tous les corps de l’armée. C’est dans son sein qu’ont été faites une grande partie des récentes découvertes, et presque toutes d’ailleurs sont dues à des Français. Aux noms de M. Delvigne, qu’il faut placer en tête, des colonels Thouvenin et Poncharra, de MM. Tamisier, Minié et Nesler, l’étranger n’a guère à opposer que celui du général Jacob, de l’armée des Indes, qui a suivi la même voie, sinon avec un égal succès, du moins avec une infatigable activité.

Sans énumérer ici les divers essais auxquels se sont livrés nos officiers, il suffit d’indiquer les principales phases par lesquelles a passé la carabine avant d’atteindre à la perfection du modèle adopté pour l’armement des chasseurs de Vincennes. Le premier progrès obtenu dans cette arme fut la suppression de la chambre où M. Delvigne enfermait la charge de poudre, et qui offrait divers inconvéniens, entre autres celui de rendre le nettoyage difficile et de déformer la