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l’appui de cette opinion, qui aujourd’hui semble prévaloir, les souvenirs du passé, la foi due aux engagemens les plus solennels, la position géographique de l’Autriche, monarchie à deux faces pour ainsi dire, dont la mission dans le passé fut de défendre l’Occident contre l’Orient, dont le rôle dans l’avenir sera peut-être de les unir, qui participe à la fois des grands états européens et de l’empire turc presque asiatique, véritablement représentée par l’aigle à deux têtes tournées à l’ouest et à l’est, qui surmonte son écusson. L’empire fédératif a pour lui non-seulement les prétentions locales et les traditions, il est de plus éminemment propre à la conservation de l’influence aristocratique, et la noblesse autrichienne tout entière, si elle comprend ses véritables intérêts, devrait en souhaiter le rétablissement ; mais il a contre lui la politique gouvernementale des huit dernières années, le cours naturel des choses, l’exemple des autres états et les besoins naturels des peuples.

Quoi qu’on puisse dire de la légalité ou des résultats de l’œuvre du prince Schwarzenberg, il faut bien y voir un de ces faits qui, une fois accomplis, enchaînent un gouvernement, parce qu’ils portent d’ailleurs le cachet de leur temps. L’Autriche ne peut rendre, par exemple, à la Hongrie ses finances et son armée, ses lignes de douane et ses impôts particuliers. Le budget de l’empire ne saurait se scinder, les régimens hongrois portent le drapeau autrichien et servent sur toutes les parties du territoire ; on ne pourrait, sans de sérieux dangers, les cantonner dans la Hongrie seule. Non-seulement le fait est accompli, mais dans les conditions des autres états de l’Europe, lorsque toutes les forces se centralisent, lorsque les nations jusqu’ici en retard dans cette voie tendent à se resserrer chaque jour pour ainsi dire, à mettre de la cohésion dans toutes leurs parties, la Russie par ses travaux intérieurs, l’Italie par ses mouvemens populaires, l’Allemagne elle-même par ses aspirations encore indécises, au moment enfin où de puissans efforts seront peut-être nécessaires pour une transformation politique et un remaniement de territoires, le gouvernement autrichien ne peut renoncer à un système qui met si facilement dans sa main les ressources militaires et financières d’un vaste empire. Ce serait désarmer et abdiquer. Si l’on considère enfin quels sont les véritables besoins des populations, on reconnaîtra les avantages de l’unité gouvernementale pour les satisfaire. Les progrès de l’industrie, du commerce, l’accroissement de la consommation, la multiplication des voies de communication de toute nature, la diminution de ces dépenses qu’on peut appeler les frais généraux d’un peuple, l’amélioration de la justice, de la législation, tous ces biens, sans parler même des droits politiques, seront mieux assurés aux populations encore arriérées de la plupart des