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pèsent sur le Danemark. Dans les duchés, les manifestations les plus caractéristiques viennent de se produire. Quoi qu’il fasse, le Danemark est toujours poursuivi, harcelé par le parti allemand-holsteinois, qui ne lui laisse ni paix ni trêve. Ce parti ne domine pas seulement dans le Holstein, il cherche aussi à envahir le Slesvig lui-même, à y établir sa prépondérance. Or le Slesvig, on le sait, n’est nullement dans la situation du Holstein, qui est tout allemand et qui appartient à la confédération germanique. Le Slesvig ne relève que de la couronne du Danemark ; il est danois par la grande majorité de la population, par la langue et par les mœurs. L’élément allemand, malgré tous ses efforts envahissans, n’a de l’importance que dans la portion méridionale du duché ; mais le parti holsteinois supplée au nombre par l’activité, la hardiesse et tous les moyens que donne la fortune. Il est même arrivé à dominer dans les états provinciaux du duché, où la majorité lui est acquise.

Comment, dira-t-on, si la population du Slesvig est danoise et veut rester danoise, comment se fait-il que les Holsteinois aient la majorité dans les états provinciaux formés par l’élection ? Cette anomalie n’a rien de surprenant ; elle tient à ce que les élections se font non dans la proportion de la population, mais, par district : or, dans la partie méridionale du duché, qui est la plus allemande, les districts sont à la fois moins importans et plus nombreux que dans le nord. De plus, la constitution provinciale de 1854 accorde aux classes privilégiées un nombre disproportionné de représentans, et les membres de l’ordre équestre, les grands propriétaires appartiennent tous au sud du pays, à cette bande limitrophe du Holstein où prévalent la langue et l’influence allemandes. C’est ainsi que le parti holsteinois est parvenu à s’introduire en majorité au sein des états provinciaux du Slesvig, et, se sentant maître dans la dernière session ouverte à Flensburg, il a levé le masque.

Cette majorité agitatrice a pris en effet l’initiative d’une série de remontrances au roi, suivies d’une protestation formelle contre la constitution commune, contre la patente royale qui règle le ressort des états provinciaux du Slesvig, contre toute mesure adoptée sans que les états provinciaux aient été consultés, et enfin contre tout ce qui pourrait affaiblir les liens unissant le Slesvig et le Holstein. Vainement le commissaire royal s’est employé à faire comprendre l’illégalité évidente de cette manifestation et à ramener l’assemblée à des travaux d’un ordre plus pratique, plus utile au pays. L’adresse au roi a été votée par une majorité décidée d’avance à faire acte d’hostilité. La minorité, de son côté, a voulu opposer protestation à protestation, et a présenté, elle aussi, une adresse au roi. Cette adresse, on le pense, a été repoussée par le parti allemand des états provinciaux, et c’est ainsi que se poursuit cette interminable question, dont l’Allemagne se fait une arme contre le Danemark, et qui, sans avoir une importance de premier ordre aujourd’hui, peut prendre un singulier intérêt dans bien des événemens européens. e. forcade.