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emprunt à la banque précipiterait le cours du papier, qui perd déjà 33 pour 100, vers un taux équivalent à la ruine. La baisse du papier, coïncidant avec de nouveaux besoins, c’est-à-dire avec des émissions plus fortes, constituerait le gouvernement lui-même en état de banqueroute ; le paiement en papier des intérêts des métalliques n’a-t-il pas été déjà une véritable banqueroute ? Ou les chiffres tirés des documens officiels sont erronés, ou ces deux événemens, imminens pendant la guerre d’Italie, se produiront infailliblement, à moins que l’on ne découvre des ressources inconnues jusqu’ici.

Peut-on compter sur une surélévation des impôts comme ressource efficace ? La Gazette d’Augsbourg a présenté, à la date du 10 octobre 1859, un tableau où les impôts de la Prusse, de l’Autriche, de la France et de l’Angleterre, évalués en thalers, sont mis en regard, et duquel il résulte en faveur de l’Autriche une différence assez large, par rapport à la France notamment, dont la population est égale à la sienne, et dont le territoire est moins vaste. « Le produit des impôts, dit-elle, s’élève à 171 millions de thalers pour l’Autriche, et à 377 millions pour la France. Les impôts indirects comptent dans le premier total pour 109 millions, et les impôts foncier, personnel, des maisons, des patentes et du revenu, pour 62. En France, la première catégorie donne 255 millions, et la seconde 122. Dans la proportion par tête, le citoyen prussien comme l’autrichien paie 4 thalers, le français 10 et l’anglais 17. » Si l’on s’arrêtait à l’apparence de ces chiffres, qui témoignent chez l’écrivain allemand de plus de patriotisme que d’exactitude,[1], il semble qu’en Autriche les charges seraient les moins lourdes, et que l’on trouverait une grande marge pour une surélévation de taxes et de revenus. En réalité, il n’en est pas ainsi, puisque la quotité de l’impôt se mesure d’après les forces du contribuable. Or les ressources territoriales et industrielles aujourd’hui existantes en Autriche rendent le poids actuel des impôts très lourd. N’y a-t-il cependant aucune amélioration à espérer ? Telle n’est assurément point notre pensée. Les forces productives de l’Autriche sont immenses. La Hongrie par exemple, dont les habitans ne peuvent payer l’impôt, qui même ont offert de le solder, dans ces dernières années, en nature par suite de l’absence de numéraire et de la difficulté des transactions, la Hongrie pourrait être le grenier de la moitié de l’Europe. Les richesses minières sont grandes : la compagnie franco-autrichienne, qui possède, comme on sait, de vastes propriétés territoriales à côté de ses chemins de fer, commence à exploiter des mines de houille puissantes à l’égal de nos

  1. Dans le budget de 1857, les impôts directs et indirects sont compris en Autriche pour 627 millions 1/2 de francs, soit 16 fr, 50 par habitant, et en France pour 1,521 millions, soit 42 francs par habitant.