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soudures, qui sont naturellement des parties faibles, se recroisent ainsi, et une explosion est rendue beaucoup plus difficile. La culasse ne se réunit pas à la volée par les mêmes moyens que dans les canons suédois et piémontais : elle est formée d’une forte vis, dont la grosseur dépasse celle de l’âme, qu’elle ferme complètement ; comme dans le système Wahrendorf, elle est préservée de l’action directe de la poudre par un obturateur qui traverse complètement une des parois et s’engage seulement dans l’autre. Le nombre des ouvertures de la partie postérieure du canon est donc réduit à deux, et c’est par elles que se fait le chargement. Le boulet affecte la forme cylindro-conique, il est en fonte douce et creux à l’intérieur, comme tous les projectiles nouveaux. La volée du canon, devant résister à de très grands efforts, n’a pas été affaiblie par des rayures profondes, comme dans le système français ; les rayures sont nombreuses et petites, trop petites pour recevoir des ailettes : aussi le boulet n’en porte-t-il pas. Il est recouvert d’une lame de plomb, et comme il offre un diamètre un peu supérieur à celui de l’âme, le plomb est contraint de se mouler dans les rayures, de s’y forcer en un mot, comme le font les balles dans les carabines. C’est ainsi que l’on assure le mouvement de rotation destiné à maintenir la régularité de la trajectoire. De même que les nouveaux fusils prussiens, les canons Armstrong n’ont pas de lumière, la charge contient une amorce fulminante dont l’inflammation est déterminée par une tige qui traverse à frottement doux la vis qui sert de culasse.

Cette description succincte fait voir que le système anglais présente une complication toujours fâcheuse dans une arme de guerre, pour laquelle la simplicité est la première condition de la solidité et de la durée du matériel. Non-seulement la soudure des grosses barres qui forment le canon est très difficile à faire, mais les défauts, s’il s’en trouve, ne sont pas apparens, en sorte que rien n’en trahit l’existence. Un inconvénient analogue existe pour les boulets : la couche de plomb recouvre la fonte en totalité, ce qui ne permet pas de vérifier si elle a une épaisseur uniforme et si le projectile est bien centré. Il paraîtrait enfin que l’on n’a pas encore obtenu une obturation parfaite, et il faut, dit-on, recourir à des dispositions accessoires pour garantir les canonniers du crachement. S’il en est ainsi, on peut prédire une courte durée à ces bouches à feu si coûteuses à forger. Le prix d’un tel canon ne saurait être évalué à moins de 12,000 francs. Quant au danger résultant de la présence d’une amorce fulminante au milieu des gargousses, c’est une disposition qui ne tient pas au système, et on y renoncera probablement, au moins toutes les fois que les canons ou les munitions auront à supporter des transports. Malgré ces critiques, les travaux de M. Armstrong constituent un progrès très sérieux dans l’art de fabriquer les