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robuste, capable de suffire à toutes les fatigues et d’être sans cesse sur la route de Milan, de Mantoue, de Casal et de Turin. Sacchetti, qui l’aimait, lui donna volontiers toutes les occasions de se distinguer. L’étoile de l’heureux secrétaire voulut même que le nonce, ayant appris la mort de son frère le cardinal et étant lui-même tombé malade, s’en retournât à Rome et lui remît ses pouvoirs. Les talens précoces qu’il déploya agrandirent sa réputation et lui gagnèrent la confiance du saint-père.

Le jeune diplomate réussit à se faire bien venir du duc de Savoie, qui se connaissait en mérite, mais sans parvenir à écarter le voile que mettaient sur ses yeux une ambition présomptueuse, de premiers et faciles succès. En vain il lui offrit, au nom du duc de Mantoue, de grosses sommes d’argent et même la forte place de Trino, s’il consentait à se séparer de l’Espagne et de l’empire ; en vain il s’efforça de lui faire comprendre que recevoir de la main du possesseur légitime une ville aussi importante que Trino, qui demeurerait à jamais annexée à ses états et lui ouvrirait un jour le Montferrat, lui était bien plus avantageux que de s’engager dans une guerre dont l’issue pourrait bien tromper et démentir les commencemens, lorsqu’une armée française franchirait les Alpes : l’ardent et obstiné Charles-Emmanuel préféra jouer le tout pour le tout. Déjà il se voyait maître du Montferrat et ne redoutait guère la France, qui en ce moment avait sur les bras une bien autre affaire, celle du siège de La Rochelle, que défendaient toutes les forces du protestantisme et les flottes de l’Angleterre. Il pensait qu’embarqués dans une entreprise d’une telle difficulté et d’un si puissant intérêt, nous ne nous en laisserions point détourner pour nous jeter dans une expédition lointaine, qu’ainsi Casal aurait cédé aux armes espagnoles, et que le traité de partage serait accompli et consommé bien longtemps avant que La Rochelle fût prise et que nous pussions regarder du côté de l’Italie.

La question était donc de savoir qui succomberait la première, de La Rochelle ou de Casal. Les regards de l’Europe étaient fixés sur ces deux forteresses. On sait avec quelle constance et quelle vigueur Richelieu, au milieu de l’année 1628, pressa le siège de La Rochelle, continuant la fameuse digue, battant et dispersant la flotte anglaise, lassant le courage des assiégés par les plus terribles attaques, et en même temps leur offrant une honorable capitulation, l’amnistie la plus étendue, la liberté de leur culte, tout, excepté le droit de former un état dans l’état et d’en appeler à l’étranger dans nos querelles domestiques. Don Gonzalès ne montra ni la même habileté ni la même énergie, et il survint à Casal des défenseurs inattendus. Beaucoup de gentilshommes français étaient alors répandus en Italie. Ils passèrent à travers les lignes espagnoles, se jetèrent dans la