Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la population des nouveaux états d’Amérique. S’il faut dix années de séjour pour prendre part à la vie civile de l’ancienne France, qu’il n’en faille que deux, qu’une même pour être admis dans les rangs de la nouvelle, et si les fils de l’étranger ne répondent pas bientôt par leur reconnaissance à la confiance qui leur sera ainsi témoignée, s’ils ne prennent pas avec les droits et les intérêts l’esprit de leur patrie adoptive, c’est donc que la France aurait perdu cette prompte et forte vertu d’assimilation qui a fait la puissance et l’originalité de son histoire ! Il ne peut pas lui être plus difficile aujourd’hui d’absorber dans son sein des individus isolés, égrenés pour ainsi dire, venus des points les plus divers du monde, sans liens les uns avec les autres, et prêts à lui confier leurs destinées, qu’il ne lui a été autrefois d’imprimer le cachet de l’unité nationale sur le front rebelle de ses provinces. En tout cas, la pire des combinaisons, c’est, tout en ayant un impérieux besoin de l’émigration étrangère, de lui témoigner en même temps, par mille tracasseries de détail, une sourde méfiance ; c’est de la tenir, quand elle arrive, à distance et à l’écart, en la condamnant à une minorité prolongée qui l’oblige à garder tous ses intérêts distincts, et par conséquent toutes ses affections éloignées de la colonie qu’elle habite. Dans l’état présent de nos lois, avec les difficultés de tout genre que le code civil impose à un étranger qui veut devenir Français, il y a près de la moitié de notre petite colonie africaine qui vit privée du moindre droit civil, même le plus élémentaire. C’est un spectacle qui ne s’est pas vu, je crois, depuis les républiques de l’antiquité, lesquelles ne se sont jamais trouvées bien pour leur repos de maintenir ces farouches et factices divisions. Hâtons-nous de faire cesser un état de choses mortel pour les progrès du peuplement que nous attendons, et qui pourrait même devenir, en cas de guerre étrangère, une source de périls pour notre domination ; puisque nous ne pouvons envoyer de vieux Français en Afrique, que ce soit l’Afrique, à son tour, qui nous vaille de nouveaux Français.

Ainsi de grandes voies de communication d’un côté, une loi très large de naturalisation de l’autre, accompagnée de la suppression de toutes les entraves industrielles, agricoles ou commerciales, en un mot l’abaissement de tous les obstacles, soit physiques, soit légaux, qui empêchent le mouvement des capitaux vers l’Afrique, telle est la tâche, simple en apparence, mais vaste en réalité, qui se présente pour un administrateur, et dans laquelle, tant à faire lui-même qu’à défaire ce qu’on a fait avant lui, il peut dépenser une grande somme d’activité et acquérir une juste part de réputation. Est-ce là tout cependant ? est-ce même assez ? Nous aurions bien peu de mémoire, si nous nous contentions à si bon marché. Ce qui