Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/1011

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire un seul parti absolutiste au-delà des Pyrénées. On ne parlait déjà de rien moins que de l’abrogation des lois promulguées il y a vingt-cinq ans contre la famille de don Carlos et du rappel à Madrid des infans exilés. Le général O’Donnell a vu facilement tout ce que cette politique pouvait avoir de dangereux à un moment donné pour la monarchie constitutionnelle, pour la couronne de la reine Isabelle elle-même, en dépit de toutes les renonciations apparentes. En tranchant des questions délicates par une amnistie, il n’avait nullement le dessein de laisser dégénérer la médiocre aventure de San-Carlos-de-la-Rapita en triomphe pour le parti absolutiste. De là toutefois des tiraillemens devenus un instant assez visibles pour troubler l’opinion.

Le parlement a été à peine ouvert, que toutes ces incertitudes se sont à peu près évanouies, on peut le dire. Il y a eu sans doute des velléités d’opposition au sujet de la guerre et de la paix ; ce qui domine au fond, c’est un sentiment sincère de satisfaction et de fierté, doublé par le spectacle de cette vaillante armée d’Afrique qui rentrait récemment à Madrid. On aura de la peine à persuader à l’Espagne qu’elle a eu tort de faire la guerre, et même qu’elle a eu tort de faire la paix ; elle est contente de l’une et de l’autre, moins pour les avantages politiques qu’elle y a trouvés que parce qu’elle se sent relevée dans sa force morale et dans son esprit public. L’opinion sur le sens de la dernière amnistie n’est pas moins nette : c’est une amnistie, ce n’est point une fusion dynastique accomplie pour le plus grand bien de l’absolutisme. Ce double sentiment est passé, dès les premiers jours de la session, dans le projet d’adresse du congrès, livré en ce moment à sa discussion. Cette adresse elle-même d’ailleurs est aujourd’hui un indice et un programme. Elle est l’indice d’une situation qui, en restant toujours représentée par le général O’Donnell, semble sur le point de se fortifier politiquement par une reconstitution partielle du cabinet, et elle est en même temps le programme de cette situation. Ce qu’on a pu reprocher jusqu’ici au général O’Donnell, et quelquefois non sans une apparence de raison, c’est de donner à ces idées de l’Union libérale, dont il s’est fait le porte-drapeau, un sens tout personnel, le caractère d’un expédient. L’adresse du congrès donne à ces idées une plus haute et plus large signification, et elle reçoit une importance de plus du nom de l’auteur, M. Rios-Rosas, appelé, selon toute apparence, à jouer le principal rôle dans la reconstitution ministérielle qui se prépare à Madrid.

M. Rios-Rosas est l’un des hommes politiques les plus remarquables de l’Espagne par l’élévation de son talent et par la probité de son caractère. Son dévouement éprouvé à la monarchie n’est égalé que par la sincérité et l’ardeur de ses convictions libérales. Récemment encore il a été un négociateur assez heureux pour résoudre par une transaction avec Rome toutes ces questions épineuses du désamortissement ecclésiastique. C’est l’esprit politique supérieur de l’Union libérale. Par sa position d’orateur et d’homme d’état, par l’amitié qui le lie au général O’Donnell, dont il a été déjà le col-