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feuilles, sur la circulation de la séve. Il y a des milliers d’espèces qui se rencontrent à des élévations très diverses, soit dans des chaînes différentes, soit sur certaines montagnes : excepté pour un petit nombre de plantes propres à telle ou telle région montagneuse, comme il y en a de propres à certaines îles et à certaines localités dans les plaines, on peut, écrit le fils du célèbre botaniste, dire que tel est le fait général. La culture des plantes alpines dans les jardins le démontre également, puisqu’il est aisé de conserver les espèces en plaine quand les conditions de température et d’humidité sont convenables. Nos céréales s’arrêtent à une certaine hauteur en Europe, mais la rareté de l’air n’y est pour rien, attendu qu’on les voit prospérer sur les plateaux de l’Amérique méridionale à une bien plus grande élévation.

La chaleur et l’humidité, telles sont les deux causes principales qui président pour l’altitude à la distribution des végétaux. Il y a longtemps qu’on a remarqué l’analogie des différens étages d’une montagne élevée et des latitudes. Faire l’ascension du Mont-Blanc équivaut à un voyage en Laponie. La limite de la végétation est nécessairement subordonnée à celle des neiges perpétuelles, et le point d’élévation où commencent ces neiges dépend de la température moyenne annuelle de la contrée. Dans les Andes, il atteint 4 900 mètres ; sur le versant méridional de l’Himalaya, 5 100 mètres ; en Suisse, environ 2 550 mètres, et au 65e degré de latitude, il s’abaisse à 1 500 mètres.

La sécheresse des régions élevées et l’ardeur du soleil à de grandes hauteurs produisent quelquefois les mêmes effets qu’une persistance trop prolongée des froids rigoureux : bien des espèces sont arrêtées dans leur propagation en hauteur par une cause inverse de celle qui frappe de mort la majorité des végétaux au sommet des montagnes. Toutefois on ne saurait regarder les neiges perpétuelles comme un obstacle infranchissable à la vie végétale. Quelques plantes, en très petit nombre, il est vrai, dépassent encore la région neigeuse. Dans les Andes, un saxifrage, qui porte le nom du célèbre voyageur et chimiste Boussingault, se montre sur les rochers à 200 mètres plus haut que les éternels frimas. Dans les Alpes, au Mont-Rose, au Mont-Blanc, ce n’est qu’à 6 ou 700 mètres au-dessus de la ligne des neiges que toute végétation cotylédonée a disparu. Jusque-là, de rares saxifrages, une gentiane, une renoncule, un chrysanthème, élèvent de quelques centimètres leur tige amaigrie. À l’entour des glaciers, dès qu’un espace se trouve dégagé de neige, qu’une fente de rocher fournit un abri contre les fortes gelées, des mousses et des lichens viennent tapisser de leurs ramuscules la pierre froide et nue. Les lichens se rencontrent dans les