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vieillesse commence plus tôt. Dans les vallées profondes, pendant le second siècle de l’existence de l’arbre, l’anneau conserve encore une épaisseur notable qui dépasse même parfois celle du premier siècle. La croissance ne s’opère pas d’une manière régulière, car elle dépend naturellement de la température moyenne et estivale de l’année, qui subit des variations périodiques. Si l’on compare la croissance de l’arbre de dix années en dix années, on trouve des inégalités marquées ; mais si l’on procède par cycles de cinquante ans, on retrouve une égalité sensible jusqu’au moment où la vitalité s’affaiblit définitivement par suite de l’âge. Ainsi dans une période de cinquante ans s’accomplissent tous les changemens atmosphériques qui peuvent accélérer ou ralentir la végétation, et les perturbations qui font croire à tant de gens que les saisons se dérangent se reproduisent à peu près les mêmes. Je parle ici des résultats généraux, car il est une foule de circonstances accidentelles et locales qui nous dérobent cette loi curieuse. Il y a ordinairement par périodes de dix ans un maximum et un minimum de croissance, lesquels diminuent nécessairement suivant les hauteurs, où cette différence moins accusée implique une végétation plus égale.

La nature du sol modifie encore sensiblement les lois générales de la végétation. Il faut en tenir grand compte quand on observe les végétaux aux différentes altitudes. « Ce ne sont pas seulement les expositions, les influences locales, écrit M. F. de Tschudi, qui influent sur la physionomie de la flore, mais encore la nature des roches. Autres sont les plantes qui poussent sur les blocs de terrains cristallins ou primitifs, autres sont celles des terrains calcaires schisteux, de la molasse ou du calcaire appelé nagelflue. » Il y a même des végétaux qui appartiennent exclusivement à telle ou telle nature de roche, en sorte que l’aspect des plantes révèle souvent la qualité du terrain qu’elles recouvrent. Les formes spéciales qu’affectent certaines roches déterminent des vallées, des terrasses, des escarpemens, des aiguilles ou des cônes qui engendrent autant de systèmes particuliers de végétation spontanée et de propagation des espèces. L’eau, en se distribuant différemment selon la nature de la roche, répartit l’humidité dans des proportions qui agissent non-seulement sur les espèces, mais sur la durée du végétal, l’éclat des fleurs et la puissance de la tige. C’est ainsi que la flore calcaire des rochers et des terrains semés de blocs pierreux donne naissance à des formes plus élancées que la même flore dans les prairies, que les plantes qui poussent sur le carbonate de chaux dans les plaines se sèchent plus vite que celles qui viennent sur le schiste.

Il est donc indispensable de faire la part de toutes ces circonstances quand on veut évaluer la seule influence de l’altitude. L’eau,