Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux étages inférieurs si le temps menace, profitant de la moindre éclaircie, du plus léger adoucissement de la froidure pour s’élancer plus haut. Dans cette région moyenne, on n’entend sans doute pas les harmonieux accords de la fauvette ou du rossignol, mais le chant des espèces montagnardes respire encore la joie et le plaisir de vivre. M. de Tschudi nous trace en quelques lignes un délicieux tableau de l’existence des oiseaux dans la montagne. Je le traduis ici librement : « Un peu avant que le ciel ne se colore des premiers feux du matin, avant même qu’un léger souffle de l’air n’annonce l’approche du jour, quand les étoiles scintillent encore au firmament, ce sont les oiseaux qui donnent le signal du réveil de la nature. Un léger bruissement se produit le long des sapins, c’est une sorte de roucoulement dont les notes deviennent de plus en plus accentuées, dont le mouvement s’accélère par degrés, et qui finit par se transformer en un caquetage harmonieux, montant et descendant de branche en branche, comme l’archet du musicien passe des cordes les plus graves aux plus aiguës ; puis un bruit plus éclatant retentit tout à coup : les voix d’abord timides entonnent chacune leur air caractéristique ; chaque espèce fait entendre son cri, son sifflement plus ou moins perçant. Le doux et mélancolique nocturne a cessé ; c’est une aubade que la gent ailée donne au soleil qui vient réchauffer son humide demeure. »

Quelle douce impression ces observations du naturaliste ne communiquent-elles point à l’âme ! Comme la fraîcheur, la pureté de ces sensations ajoutent à celles de l’air ! Nous voudrions vivre un instant de cette existence aérienne dans cette zone intermédiaire assez verte encore pour qu’on y trouve un abri contre les ardeurs du jour et le froid des nuits, assez éclaircie pour que l’œil puisse découvrir le magnifique panorama des montagnes et plonger avec délices dans le firmament ; mais l’homme a été moins favorisé à cet égard que les oiseaux. Gravir une haute cime est toujours pour lui chose pénible : soit que l’air qu’il respire dans les lieux élevés contienne moins d’oxygène sous un volume donné et que la dissolution de ce gaz dans le sang s’opère plus difficilement sous une pression plus faible, soit que les mouvemens répétés qu’entraîne l’ascension fatigue le système musculaire, nous éprouvons à de grandes hauteurs une accélération du pouls, une difficulté de respiration, des vertiges, des nausées, des saignemens aux gencives et aux lèvres, enfin tout un cortége de fâcheux symptômes connus sous le nom de mal de montagnes. On a beaucoup discuté sur la véritable cause de ce phénomène pathologique ; il tient certainement en grande partie à la pression différente de l’air. L’homme n’a pas été organisé comme les oiseaux pour s’élever dans l’atmosphère en traversant des couches