en Angleterre un complice de la France ; suivant le besoin, il a été taxé ici de subtilité, là d’ignorance. Des deux parts on se prétend blessé, et c’est contre lui qu’on se retourne. Que le traité n’ait point été assez étudié, c’était inévitable avec la hâte qu’on y a mise. M. Cobden tenait surtout au principe ; il a négligé quelques points de détail. Or les hommes préoccupés du détail sont aussi nombreux en Angleterre qu’en France, aussi ombrageux, aussi jaloux de leurs droits. Le chef de la ligue avait à leurs yeux un tort irrémissible : en simplifiant les tarifs, il supprimait les emplois : de là des colères qui ont trouvé cette occasion pour éclater. Il ne faut voir là-dedans qu’une querelle de bureaux. Quand notre armée de fonctionnaires sera menacée par une réforme sérieuse, elle n’aura ni plus de résignation ni plus de philosophie. On peut regretter néanmoins que M. Cobden ne se soit pas effacé de lui-même, quand il a vu que les choses marchaient toutes seules et relevaient d’une influence prépondérante. Il aurait laissé à d’autres le soin d’achever, à titre accrédité, ce qu’il avait commencé un peu à l’aventure et de son propre mouvement : son nom n’y eût rien perdu, et l’acte y eût peut-être gagné. Pour la France, c’eût été un épouvantail de moins, épouvantail ridicule, mais réel ; pour l’Angleterre, c’était un sacrifice à l’étiquette, sacrifice utile dans un pays où on ne viole pas impunément les formes. Il eût été moins exposé, moins attaqué ; il est vrai qu’il y eût perdu l’avantage d’être noblement défendu par M. Gladstone. « Quant à M. Cobden, a dit le chancelier de l’échiquier, parlant dans un temps où toutes les colères sont éteintes, je ne puis m’empêcher de lui exprimer mon obligation des peines qu’il a prises et des sacrifices personnels qu’il a faits pour assurer le succès d’une mesure qu’il considère, lui si bon juge, comme l’un des plus grands triomphes de la liberté commerciale. C’est un grand bonheur pour un homme qu’ayant, il y a quinze ans, rendu à l’Angleterre un service signalé, il ait eu cette heureuse fortune de pouvoir rendre de nouveau et dans la même cause un service équivalent à son pays, qui, je l’espère, ne se montrera point ingrat. » La réponse à cette dernière phrase ne s’est pas fait attendre ; un mois après, la Cité de Londres accordait à M. Cobden le droit de bourgeoisie.
Vingt années de la vie de M. Cobden, les dix premières surtout, ont été un duel acharné contre des institutions vivement défendues. On l’a vu, en huit jours, parcourir cinq cents lieues et parler dans six réunions différentes, en prenant à peine quelques heures de sommeil. Sa volonté dominait ces fatigues où de plus vigoureux eussent succombé. Si le corps paraît frêle, l’esprit est indomptable. Volontiers M. Cobden garde le silence et se tient au repos ; mais vienne le moment d’agir, rien ne l’arrête. Il recommence alors sa lutte obstinée jusqu’à