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responsables des mésaventures possibles de l’expérience qu’ils entreprennent ? Que faudrait-il donc faire pour éviter ces soupçons ? Faudrait-il faire de nos mains et à nos risques et périls l’unité italienne ? et jusqu’où s’étendra cette unité que nous aurions à fonder ? Quels sont les nouveaux états italiens dont il faudrait procurer l’annexion ? Il n’en reste que trois : Venise, Rome et Naples.

Un mot sur chacun de ces états. Nous sommes de ceux qui ont vivement regretté que la paix de Villafranca n’ait pas été faite trois jours plus tard, c’est-à-dire quand notre brave marine aurait eu délivré Venise des Autrichiens. Encore trois jours, disent tous nos marins, et nous entrions à Venise, et la vieille reine de l’Adriatique était libre. Nous sommes grands partisans de la paix de Villafranca, nous l’avons toujours trouvée bonne et nous la trouvons encore bonne, aujourd’hui qu’elle n’a plus de valeur que dans l’histoire ; mais il y a un reproche dont nous n’avons jamais pu songer à justifier le traité de Villafranca : Venise est restée autrichienne. La possession du fameux quadrilatère est une question très italienne, mais l’affranchissement de Venise était une question européenne. Pour la France, c’était l’expiation de la vieille faute de Campo-Formio ; pour la civilisation, c’était un grand nom rendu à l’avenir. Nous devons donc en Italie être favorables à toutes les circonstances qui pourront amener la délivrance de Venise. Il y a là un arriéré à solder de la guerre de 1859.

Passons à Rome. S’il y a quelques personnes, soit en France, soit en Italie, qui souhaitent que les graves démêlés qui séparent le saint-siège du royaume de Sardaigne s’apaisent peu à peu, nous nous mettons sans hésiter de ce parti, si petit qu’il soit. Nous savons combien est grande la difficulté : l’annexion de la Romagne a tout envenimé. Le saint-siège se trouve dépouillé : comment se réconcilier avec le spoliateur ? Le roi de Sardaigne a accepté l’annexion de la Romagne : comment la rendre au pape ? Je n’ai pas la prétention de dire comment peut finir ce procès ; mais je n’hésite pas à dire qu’il est de l’intérêt de la Sardaigne de se réconcilier avec le saint-siège et de revenir à la politique de Gioberti, de Manzoni, de Balbo, c’est-à-dire à la politique qui voulait arriver à la délivrance de l’Italie par l’union de toutes les forces et de toutes les grandeurs de l’Italie, qui, parmi ces forces et ces grandeurs de l’Italie, se gardait bien d’oublier Rome et la papauté. Loin de considérer Rome et la papauté comme un obstacle à l’unité de l’Italie, cette première école des libéraux italiens la considérait comme un des moyens les plus efficaces de cette unité.

Il est vrai qu’il y a, si je puis ainsi parler, deux sortes d’unités de l’Italie, il y a l’unité matérielle et l’unité morale. L’unité matérielle