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combien de guerres civiles et de dissensions. Alors luttent les guelfes contre les gibelins : les gibelins défendant les empereurs d’Allemagne à la condition que ceux-ci deviendront des césars d’Italie, et avec Frédéric II, le dernier des princes de la maison de Souabe, la métamorphose est presque faite ; les guelfes au contraire défendant l’indépendance de l’Italie, et les papes sont presque toujours à la tête du parti guelfe, qu’ils font triompher.

À l’ère agitée des républiques succède l’ère des principautés italiennes, qui trop souvent appellent les étrangers au secours de leurs ambitions et de leurs rivalités. C’est ainsi que nous arrivons au XVe et au XVIe siècle, où les étrangers prennent en Italie une prépondérance décisive. Après la défaite de François Ier à Pavie et la prise de Rome par le connétable de Bourbon au nom de Charles-Quint, qui défend de se réjouir d’une victoire remportée sur le pape, mais qui se hâte d’en profiter et même d’en abuser, la prépotence des Espagnols en Italie est assurée. Ils ont le Milanais et le royaume de Naples ; ils influent d’une manière impérieuse partout où ils ne commandent pas. Venise n’est plus rien et s’achemine doucement vers une décadence cachée sous les plaisirs. Alors les papes, se soumettant avec répugnance à cet ascendant de l’Espagne, essaient de se tourner vers la France ; mais la France, à la fin du XVIe siècle, se débat elle-même avec peine contre la puissance de l’Espagne : ce n’est qu’avec Henri IV qu’elle recouvre son indépendance et sa force. Dès ce moment, les papes savent qu’ils peuvent trouver en France un appui contre l’Espagne, et ils s’en servent comme font les autres princes italiens[1]. Ils ne souhaitent pas que les Français rentrent en

  1. Je trouve dans un recueil de lettres inédites d’Henri IV, que vient de publier M. le prince Galitzin, un passage curieux sur la politique d’Henri IV avec le saint-siège. « L’alliance de l’église, dont je suis le fils aîné, disait-il à un ambassadeur de la république de Venise, m’est plus précieuse et plus étroite que toutes les autres. Personne ne voudra quitter Rome pour Venise, ni Saint-Pierre pour Saint-Marc, et moi moins que tous, de qui les prédécesseurs ont passé les Alpes tant de fois pour secourir les papes. Ne doutez point qu’en vous raidissant contre les censures, vous ne perdiez partie de vos peuples. Les princes voisins, et surtout le roi d’Espagne, profiteront volontiers de votre débris, car en moindre occasion Florence, Sienne et Pise ont perdu leur première liberté. C’est une invention de Satan, qui tâche d’affaiblir les chrétiens par leurs divisions, lorsque leur commun ennemi tend aux abois le Turc. Toujours faudra-t-il venir à quelque composition ou demeurer à jamais schismatique. Enfin je ne trouve point dans la révocation de vos décrets tant d’inconvéniens que dans le divorce d’avec la chaire apostolique. » Mathieu, Henri le Grand, liv. III, p. 746. Et comme l’ambassadeur, après s’être longtemps étendu sur le danger que faisaient courir à l’autorité civile les prétentions des papes, demandait à Henri IV ce qu’on pourrait attendre de lui, si on en venait aux armes, il lui dit nettement en la galerie du Louvre, le 25 janvier 1607, « qu’il serait toujours pour le pape, mais qu’il ferait tout ce qu’il pourrait pour ne réduire les affaires en ces extrémités ; que si les Vénitiens refusaient les conditions que l’on jugeait raisonnables, on les verrait dans peu de temps la proie de leurs voisins. »