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cardinal Aldobrandini, neveu de Clément VIII (1592). Comme ce pape n’avait pas été favorable à l’Espagne, son neveu fut persécuté par les Espagnols… De plus, les Espagnols ont de grosses abbayes à donner dans leurs états, et les neveux des papes tirent plus de profit du roi catholique que du roi très chrétien, ce qui les rend Espagnols d’intérêt, sinon de cœur. — J’entends, répond l’interlocuteur, la France est plus utile au saint-siège qu’aux particuliers, et l’Espagne aux particuliers qu’au saint-siège[1]. »

Appliquons au temps présent ce que nous venons de lire : d’abord les papes n’ont plus de neveux, ou du moins le népotisme ne prévaut plus à Rome. Les papes n’ont donc plus ces intérêts particuliers qui les poussaient à ménager les Espagnols ; ils n’ont plus qu’à s’occuper des intérêts du saint-siège, première cause d’union avec la France.

Il n’y a plus d’Espagnols non plus en Italie, mais il y a encore deux ans l’Autriche dominait en Italie, comme autrefois l’Espagne. La papauté semblait aussi partagée entre deux influences qu’elle opposait l’une à l’autre, celle de l’Autriche et celle de la France. De ces deux influences, quelle était celle que devait préférer la papauté ? Amour-propre national à part, nous n’hésitons pas à croire que c’était l’influence de la France, d’une part à cause du service rendu par la France à la papauté en 1849, et d’autre part à cause de notre désintéressement territorial en Italie. L’Autriche avait la Lombardie et la Vénétie, l’Autriche avait garnison à Ferrare ; nous n’avions pas un pouce de terre en Italie : grande raison au XIXe siècle, comme au XVIIe siècle, pour être bons amis avec les Italiens. Nous occupions Rome, il est vrai, pour y défendre le pape contre l’esprit révolutionnaire ; mais l’Autriche occupait les Légations, et les occupait par contiguïté avec ses possessions italiennes, tandis que entre Rome et Marseille il y a la mer. Nous étions donc des amis pas trop voisins, des protecteurs qui ne pouvaient pas et ne voulaient pas devenir des maîtres.

La guerre de 1859 ne nous a pas ôté ce caractère de désintéressement territorial qui est si important pour nous en Italie. Nous avons vaincu, nous n’avons rien conquis en Italie. L’annexion de la Savoie a fait quelques Français de plus, elle ne fait pas de nous une puissance italienne. Nous devons garder soigneusement cette situation, qui fait de la France l’alliée naturelle de l’Italie et la protectrice la moins gênante de la papauté à Rome.

Nous sommes persuadés que cette vérité sera de jour en jour mieux comprise et mieux sentie à Rome et à Paris. Il y a des circonstances

  1. Leti, dialogue sixième.