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par leur origine la plus immédiate, à quelques années déjà, à la révolution accomplie contre la dernière dictature du général Santa-Anna.

Le premier promoteur de cette révolution était un vieil Indien, le général Alvarez, qui a passé sa vie dans l’état de Guerrero, où il s’est créé une sorte de souveraineté féodale, et qui traînait jusqu’à Mexico ses bandes d’Indiens pintos. Le résultat le plus clair du mouvement fut la prédominance du radicalisme démocratique. Le signe du triomphe de la révolution fut le vote d’une constitution, en date de 1857, qui rétablissait le fédéralisme et réalisait l’idéal de la démocratie. Enfin un personnage du moment, M. Comonfort, qui n’avait été d’abord que le lieutenant du général Alvarez, devint lui-même président, tandis que le vieil Indien regagnait l’état de Guerrero avec ses bandes sauvages.

Succès éphémère pourtant ! Pressé entre les radicaux, qui le débordaient en le soupçonnant de tendances trop modérées, et une réaction conservatrice qui devenait déjà menaçante, M. Comonfort disparut. On était alors en 1858. Un pronunciamiento militaire provoqué d’abord par le président, puis tourné contre lui, renversa cette impuissante dictature d’un jour et donna le pouvoir à un nouveau chef, le général Félix Zuloaga, qui arrivait au gouvernement soutenu par l’armée et investi de la mission de faire prévaloir un plan dit de Tacubaya, destiné, comme tant d’autres, à assurer la régénération du Mexique. C’était un succès pour le parti conservateur, qui se voyait ainsi délivré soudainement de la domination des puros. Malheureusement le parti démocratique, vaincu à Mexico, s’agitait d’un autre côté dans les provinces, et relevait comme un drapeau la constitution de 1857. Le vice-président de la république, un petit Indien remuant et obstiné, radical intraitable, M. Benito Juarez, organisait une sorte de gouvernement pseudo-légal au nom de cette constitution ; après avoir erré de ville en ville, il finissait par aller s’établir à la Vera-Cruz, dont le parti révolutionnaire était parvenu à s’emparer.

Il y avait donc deux gouvernemens au Mexique. L’un était établi à Mexico même ; il avait pour lui une grande partie de l’armée, le clergé, tous les intérêts conservateurs. Sans être un pouvoir régulier par son origine, il était après tout maître de la capitale, et seul il était reconnu par les puissances étrangères, dont les agens avaient immédiatement noué des relations avec lui. L’autre gouvernement, expression de la légalité révolutionnaire qui venait d’être vaincue à Mexico, se personnifiait en M. Benito Juarez. Maître de la Vera-Cruz, c’est-à-dire du principal port de la république, il avait la main sur les douanes, et disposait d’une ressource pécuniaire qui lui permettait pour le moment de vivre et d’attendre. À défaut d’une