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Miramon, qui n’avait point quitté son armée, se trouvait élu, sans le savoir, chef suprême de la république à la place de Zuloaga, révolutionnairement déposé ; ce qu’il y avait de plus caractéristique, c’est qu’au moment de cette élection on ne connaissait pas même l’opinion de Miramon sur les derniers événemens.

La vérité est que le commandant de l’armée du nord condamnait énergiquement la sédition militaire qui avait renversé Zuloaga. Comme conservateur, il refusait de s’associer à un mouvement qui n’était qu’une avance impolitique faite au parti révolutionnaire ; comme militaire, il s’indignait d’un acte qui était le désaveu du sang versé par ses soldats. C’est dans ce sens qu’il répondit aux ouvertures que M. Roblès lui fit dès le premier moment pour obtenir son adhésion. C’est aussi dans ces dispositions que Miramon reçut à Guadalajara l’avis de son élection. Se laisserait-il gagner par l’appât offert à son ambition, et accepterait-il le bénéfice d’un mouvement qu’il réprouvait ? Nul ne connaissait ses desseins, peut-être ne savait-il pas lui-même ce qu’il ferait. Toujours est-il qu’il se rapprocha de Mexico sans trop se hâter, et que lorsqu’il y arriva le 21 janvier 1859, tout le monde commença à s’apercevoir que le jeune officier, parti presque inconnu quelques mois auparavant, rentrait en maître.

C’était un personnage nouveau dans l’histoire politique de la république mexicaine, personnage vraiment singulier, qui à vingt-six ans arrivait à une sorte de dictature, sans affectation d’empressement, sans nulle intrigue. Ce qu’on sait peu, c’est que l’homme qui a joué depuis un an, et qui joue encore un des premiers rôles au Mexique, est d’origine française. Sa famille est du Béarn et appartenait à la noblesse. Elle émigra en Espagne au dernier siècle ; le grand-père de don Miguel Miramon passa au Mexique comme aide-de-camp d’un des vice-rois ; son père, M. Bernardo Miramon, se maria dans le pays et y resta. C’est encore aujourd’hui un des plus vieux généraux mexicains. Le président actuel, né de ce mélange de sang français et espagnol, a été élevé à l’école militaire de Chapultepec. Il a commencé sa carrière en guerroyant contre les Américains du Nord ; mais jusqu’en 1858 il n’était encore qu’un jeune officier connu pour sa bravoure. La campagne dont la direction lui était échue par la mort d’Osollo suffit à sa fortune en révélant en lui le don du commandement, une singulière fermeté, de la promptitude de décision, une brillante valeur unie à une certaine réserve dans les actes et dans les paroles. C’est par ces qualités que Miramon était parvenu à inspirer à ses soldats la confiance absolue qu’il avait en lui-même, et qui avait fini par gagner le monde politique de Mexico. Aussi attendait-on son arrivée avec une vive anxiété. Pour tous, il était l’arbitre de la situation.