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combat, que Carrera a fait son entrée dans la politique et a conquis le pouvoir. Lui aussi, comme bien d’autres, notamment comme Santa-Anna au Mexique, il a eu son vote populaire qui lui a donné la présidence à vie. Seulement, à la différence de Santa-Anna, il s’est maintenu jusqu’ici, faisant habilement alliance avec la classe qui pouvait s’effrayer de son origine et de ses habitudes peu civilisées. Le secret de la paix intérieure de Guatemala est bien moins au reste dans le scrutin populaire, qui a été l’origine de cette situation, que dans une sorte d’accord tacite assez fidèlement observé. Carrera, tout en voulant rester président, a eu le bon sens de comprendre qu’il ne réunissait pas toutes les conditions nécessaires pour gouverner utilement, et il laisse gouverner pour lui. D’un autre côté, les ministres ont compris qu’ils pouvaient tout faire avec Carrera, en lui laissant la dignité de la magistrature suprême, et ils se sont contentés de gouverner effectivement sans aspirer pour eux-mêmes à la présidence. Il en est résulté une situation que n’agite pas perpétuellement le jeu des ambitions personnelles.

C’est donc au Salvador et à Costa-Rica, comme nous le disions, que se sont concentrées les agitations les plus récentes de l’Amérique centrale. Comment se fait un président au Salvador ? Cette petite république avait en 1858 un chef du pouvoir exécutif, M. Miguel Santin del Castillo, qui venait d’être élu. Malheureusement pour lui, le nouveau président du Salvador avait à ses côtés un homme fort préoccupé de ne plus rester au second rang : c’était le général Barrios, qui occupait tout à la fois les fonctions de ministre des relations extérieures et de général en chef. Barrios était un homme de cinquante ans, de peu de suite dans les idées, d’une médiocre consistance, mais inquiet, actif et ambitieux. Dans des vues d’élévation personnelle, il voulait faire réformer l’article de la constitution qui fixait à deux années seulement la durée de la présidence. Il s’efforça d’amener le président à proposer et à soutenir cette réforme, à quoi M. Santin se refusa. Il s’ensuivit des discussions très vives sous l’impression desquelles le président invitait Barrios à se démettre de tous ses emplois. Ce n’était pas du tout le compte du général Barrios, qui exigeait une destitution formelle, et M. Santin se décida effectivement à en venir là ; seulement le président ne s’était pas tout à fait rendu compte de sa position, et quand il s’adressa pour obtenir le contre-seing du décret de destitution aux deux autres ministres, MM. Cabanas et Quiros, ceux-ci, qui étaient parens et amis de Barrios, refusèrent de s’associer à cette mesure. M. Santin n’avait d’autre ressource que de former un nouveau cabinet ; il nomma deux ministres, MM. Dueñas et Zelaya : le premier, chef de l’opposition ; le second, natif de Honduras et jouissant de