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aussi que les nouveaux maîtres du pouvoir n’étaient pas sans compter sur le clergé, c’est que l’évêque Llorente rentrait aussitôt de son exil. M. Mora, depuis ce temps, a essayé de rentrer à Costa-Rica d’une façon ou d’autre, fût-ce à main armée ; il n’a point réussi. La révolution a suivi son cours. Une assemblée s’est réunie et a fait une nouvelle constitution, qui a été présentée au président provisoire, M. Montealegre. Puis le congrès constituant s’est retiré, et des chambres législatives ordinaires ont été convoquées. La révolution de Costa-Rica en est là. Et voilà comment la plus pacifique, la plus régulière des républiques centro-américaines a glisse elle-même dans ces agitations fantasques où des ambitions personnelles se disputent le pouvoir pour n’en rien faire le plus souvent !


II

Lorsque le premier cri de l’indépendance fut poussé dans le Nouveau-Monde espagnol, cette contrée qui commence à l’isthme de Panama s’appela la Colombie et forma une confédération soutenue à sa naissance par l’épée et le conseil de Bolivar. Lorsque cette confédération, mal équilibrée, tomba en dissolution, trois républiques surgirent, — le Venezuela, la Nouvelle-Grenade et l’Equateur, — et chacune de ces républiques a suivi la carrière des révolutions. Cette carrière est loin d’être épuisée, si l’on en juge par les derniers événemens : l’histoire continue, offrant toutes les variétés de l’esprit d’anarchie.

La dernière révolution du Venezuela date de 1858 ; elle était dirigée contre une sorte de dynastie assez étrange qui était parvenue à s’emparer du pouvoir, et qui s’en servait depuis dix ans à son profit : c’était la dynastie des Monagas. Les divers membres de cette famille se transmettaient en effet la présidence et se succédaient l’un à l’autre ; ils étaient les dictateurs, les généraux, les ministres, les financiers du pays. Ils représentaient ce qu’on pourrait appeler l’élément démocratique, et ils ne reculaient devant aucun moyen, à tel point qu’ils n’avaient pas craint quelquefois de faire appel aux passions et aux ressentimens de la population de couleur. Le règne de cette famille date de 1848. L’aîné de la race, le général Tadeo Monagas, s’instituait dictateur à cette époque, en dispersant le congrès à coups de fusil. Depuis, il avait cédé le pouvoir à son frère Gregorio Monagas, qui le lui avait rendu à son tour. Il y avait seulement une différence entre les deux frères, c’est que l’aîné, sans avoir des habitudes moins despotiques, laissait voir pourtant des instincts plus civilisés, et avait l’autocratie plus décente, tandis que Gregorio se ressentait visiblement de la vie qu’il avait toujours menée dans les