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sorte de négociation tout à la fois avec Guayaquil et avec Quito. Le chef péruvien, tenant sous sa dépendance la ville de Guayaquil, crut sans doute avoir meilleure composition avec Franco, et il ne se trompait pas. Le 4 décembre en effet, les deux généraux signaient une convention stipulant un armistice de quarante jours, pendant lequel les divers districts de la république devaient être invités à prendre part à des négociations. Castilla se réservait toutefois de pouvoir traiter avec celui des gouvernemens existans dont l’autorité s’étendrait aux deux tiers de la république, c’est-à-dire qu’il restait maître de traiter avec qui il voudrait. La conclusion de tout ceci fut que le 20 décembre 1859 les deux chefs signèrent à la hâte un arrangement définitif, par lequel le général Castilla reconnut le gouvernement de Guayaquil comme gouvernement suprême de l’Equateur. On ajoutait qu’il y avait entre les deux généraux un pacte secret stipulant une alliance offensive et défensive. Guayaquil n’allait pas moins être provisoirement occupé par les soldats du Pérou, et Franco prenait le pouvoir sous la protection de Castilla : c’était au reste la plus sûre garantie dans la situation où il se trouvait placé, et la république équatorienne, tant bien que mal, rentrait en paix avec un état voisin qui depuis un an la tenait sous le coup de ses menaces d’hostilités. Il est douteux qu’elle retrouve de si tôt la paix intérieure.

Une figure singulière apparaît à travers toutes ces affaires si bizarrement emmêlées de l’Equateur, c’est le général Ramon Castilla, qui résume en sa personne, à vrai dire, la vie politique du Pérou, sans se préoccuper beaucoup, quant à lui, de démocratie ou d’idées conservatrices, du système fédéral ou du système unitaire. Ramon Castilla est un vrai cacique au Pérou. Accoutumé à se considérer comme le chef naturel de son pays, jaloux de son pouvoir, peu endurant, astucieux et inquiet de toute rivalité, il supporte malaisément les contradictions dans l’exercice de son autorité, et en cela il a tous les instincts, toutes les habitudes du dictateur ; il est singulièrement ombrageux dans ses relations avec les états étrangers, et en cela il est essentiellement Américain. Pour tout dire, il se joue volontiers des assemblées plus ou moins nationales qui se succèdent, comme aussi quelquefois des puissances européennes elles-mêmes qui ont à défendre les intérêts de leurs nationaux. Il s’ensuit qu’il s’attire souvent des affaires, qu’il aggrave par ses façons d’agir. Son gouvernement porte la marque d’une humeur jalouse, violente et même ambitieuse. Tel qu’il est, le chef péruvien a évidemment un rôle exceptionnel et prépondérant dans un pays habitué à la dictature, et qui serait encore heureux de trouver un despotisme intelligent ; sa personnalité originale efface toutes les autres et garde une