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tout ceci sous la réserve de quelque insurrection toujours possible, quoique pour le moment invraisemblable, car les rivaux de Castilla, — Vivanco, Echenique, — n’ont dans le pays qu’une influence très peu en rapport avec leurs prétentions.

Castilla, on le voit, règne et gouverne dans la république péruvienne, ne souffrant aucune contradiction, ne reconnaissant d’autre autorité que la sienne, qu’il exerce en vieux cacique, et cet esprit américain, dont il est une des curieuses personnifications, se fait sentir bien plus encore peut-être dans les relations extérieures, conduites avec un mélange de violence et d’astuce, de méfiance et d’ambition. Castilla est, lui aussi, dans une certaine mesure, un héros de ce qu’on a appelé l’américanisme, et il le montre surtout dans ses rapports avec les puissances de l’Europe. Dans ces pays livrés à toutes les révolutions, les étrangers, on le sait, ont souvent à supporter des dommages ; ils souffrent dans leurs intérêts, ils subissent des actes qui sont une violation de leur qualité d’étrangers ; on leur applique des mesures à l’abri desquelles ils devraient être par leur nationalité, et ce sont là autant de causes de réclamations incessantes que les personnes lésées exagèrent souvent, mais qui n’en ont pas moins un fondement légitime. Or ces réclamations, Castilla ne les aime pas, il les élude, se refusant volontiers à toute satisfaction qui coûte à son orgueil. Céder sur quoi que ce soit est ce qu’il comprend le moins. Il résiste avec une humeur astucieuse et hautaine. C’est ce qui lui est arrivé récemment avec la France, et il en est résulté une rupture qui ne s’est point d’ailleurs prolongée. Combien de temps encore durera la domination du général Castilla ? Le Pérou a-t-il même intérêt à ce qu’elle cesse ? Oui sans doute, s’il doit entrer dans une voie de développement régulier ; qu’importe au contraire si, à travers des révolutions nouvelles, il ne fait que changer de dictateur ?


III

Dans ces immenses régions du Nouveau-Monde, les républiques du Rio de la Plata, — la Confédération Argentine, la République-Orientale, le Paraguay, — sont peut-être les états les plus favorisés de la nature, les mieux situés pour prospérer et grandir. Elles ont tout, la douceur du climat, la fertilité du sol, l’étendue du territoire, — tout, moins la paix, qui seule peut faire germer la richesse et mettre des peuples là où il n’y a que des agglomérations turbulentes. Autrefois c’était, disait-on, le despote violent de ces contrées qui était un obstacle à tout. Rosas une fois tombé, les merveilles de la civilisation allaient se dérouler. Si ces pays étaient sans