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très nombreux élèves auxquels il faisait exécuter les parties accessoires de ses compositions, on pense qu’il peignit au moins en très grande partie de sa propre main les sujets principaux de cette salle. Il n’en est pas de même pour la suivante, celle de Charlemagne, peinte en 1516 et 1517, mais par ses élèves, car, excepté dans la composition de l’Incendie du Bourg, la seule importante parmi les quatre fresques qui décorent cette salle, il est impossible de reconnaître l’auteur du Parnasse, de la Jurisprudence et de l’Héliodore. Raphaël, surchargé de travaux, à part quelques ouvrages importais dont il se réservait l’exécution, ne pouvait plus guère dès lors que préparer les dessins que peignaient sous son inspiration immédiate une légion de peintres dont quelques-uns étaient des artistes distingués, et qui étaient venus, non-seulement de toutes les parties de l’Italie, mais de tous les pays de l’Europe, se placer sous sa direction. « Il avait su établir parmi eux, dit Vasari, une telle harmonie, que jamais la moindre jalousie ne vint troubler leur union… Il mettait une complaisance extrême à initier aux mystères de son art ses disciples, qu’il aimait comme ses enfans. Aussi, lorsqu’il sortait pour aller à la cour, où il occupait une place de gentilhomme de la chambre, il avait toujours un cortège de cinquante peintres, hommes intelligens et vaillans, qui l’accompagnaient. »

La salle de Constantin, la dernière de celles que Raphaël avait été chargé de décorer au Vatican, et pour laquelle il avait préparé quelques dessins en 1519 et 1520, ne fut peinte qu’après sa mort par ses élèves, et presque entièrement, semble-t-il, par Jules Romain. Deux figures seulement, la Justice et la Prudence, sont de la main de l’Urbinate. Elles se trouvent à droite et à gauche de la Bataille de Constantin, et n’ont d’autre intérêt que d’être la seule tentative qu’ait faite Raphaël de peindre à l’huile sur préparation à la chaux, à l’exemple de Sébastien del Piombo.

Cependant les Stanze, pour être un monument unique dans l’histoire de l’art, et, dans leur ensemble imposant, l’œuvre la plus considérable de Raphaël, celle qui donne la plus haute idée de l’élévation et de la souplesse de son génie, ne sont pas les seules peintures décoratives qu’il ait exécutées au Vatican. En 1514, Bramante était mort sans avoir terminé les galeries qui entourent de trois côtés la cour de Saint-Damassus. Raphaël fut chargé par Léon X d’achever cette construction et d’en diriger l’ornementation. On avait déblayé depuis quelques années les chambres enfouies des thermes de Titus, et retrouvé dans toute leur fraîcheur les peintures et les stucs qui les décoraient. Raphaël comprit aussitôt le parti qu’on pourrait tirer de ces gracieux motifs. Il prit les arabesques antiques pour point de départ, et, en les modifiant au gré de sa fantasque imagination,