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princes du sang et aux plus grands capitaines, nommé titulaire du régiment autrefois sous ses ordres immédiats, le Kabardinskii. Sans croire un mot des propos que l’on débite sur les influences de cour qui lui auraient valu tant de faveurs, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’elles sont justifiées par le succès éclatant que sa bonne fortune lui réservait. S’il n’a pas eu encore l’occasion de se montrer le rival des hommes de guerre illustres dont il est l’égal par les honneurs accumulés sur sa tête, on peut dire qu’il possède des talens militaires suffisans : c’est surtout un administrateur zélé pour le progrès des populations dont la direction lui a été confiée, un cœur noble et généreux ; il est doué d’une qualité particulièrement précieuse en Russie, la probité. Pour l’aider dans les soins du gouvernement, il a auprès de lui un conseil et une administration supérieure, institués sur sa proposition en janvier 1859. Le président de ce conseil est le prince Orbélian, de famille géorgienne. L’administration comprend quatre départemens : 1° les douanes et les quarantaines, 2° les établissemens d’instruction publique, 3° les finances, 4° la justice. Une division spéciale est consacrée à l’économie rurale et aux colonies étrangères d’origine allemande établies dans les contrées caucasiennes.

Maintenant que le flanc gauche est conquis et que le principal obstacle de la Russie au Caucase, la présence de Schamyl, a disparu, on s’est demandé, dans la perspective de la soumission prochaine du flanc droit, quelle est la destination éventuelle de cette grande armée. L’imagination aidant, on s’est représenté l’habile et entreprenant Bariatinsky chevauchant, à la tête de ses trois cent mille soldats, à travers la Perse jusque sur les bords de l’Indus et du Gange. Par malheur, les savans tacticiens qui font mouvoir si lestement des masses aussi lourdes, et dont les élémens sont si hétérogènes, ne nous enseignent pas comment il faudrait s’y prendre pour les préserver de périr de faim, de soif et de chaleur dans les déserts qu’elles auraient à parcourir avant de parvenir dans l’Inde. Les considérations que j’ai développées font pressentir déjà qu’une pareille prévision ne saurait s’accomplir sans de grandes difficultés ; ce qu’il me reste à dire suffira pour démontrer que, même ces difficultés n’existant pas, la réalisation en est de longtemps impossible. D’abord il est plus que douteux que le gouverneur actuel du Caucase, par ses aptitudes et ses goûts personnels, dont le trait saillant n’est point une téméraire ardeur, soit porté à entreprendre de grandes expéditions et rêve des conquêtes lointaines. La mission qu’il a reçue d’assurer la stabilité de la domination russe dans les vastes domaines qu’il administre est loin d’être achevée, et la gloire de la mener à bonne fin peut suffire à son ambition. Une portion