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complètement épuisé ses vivres, il s’apprêtait à retourner sur ses pas, lorsque quatre Esquimaux se présentèrent à lui. Ils étaient venus d’un village assez éloigné à la chasse des phoques ; un d’eux portait attaché à son vêtement de peaux un bouton de la marine anglaise. Interrogé ainsi que ses compagnons, il dit que, plus au sud, un bâtiment avait été détruit par les glaces, que les blancs qui le montaient s’étaient d’abord sauvés, puis qu’ils étaient morts de faim, et qu’il y avait dans son village des instrumens de fer et des objets provenant de ces étrangers. Mac-Clintock se rendit à ce campement esquimau, composé de huit huttes ; il y trouva en effet des cuillers et d’autres objets européens. Enfin il était sur les traces de Franklin et de ses compagnons. Il s’empressa de retourner à son vaisseau, instruisit l’équipage de sa découverte, et se mit en mesure de repartir presque immédiatement.

Le 2 avril au matin, douze hommes, cinq traîneaux et quatorze chiens étaient prêts au départ ; le yacht avait hissé son pavillon royal Harwich, les traîneaux déployaient leurs banderoles de soie, les hommes étaient pleins de courage et de confiance ; c’était la double expédition de Mac-Clintock et de Hobson qui se lançait dans le sud pour recueillir les débris de Franklin et compléter ses recherches scientifiques. Le poids qu’avaient à traîner les hommes et les chiens était à peu près pour chaque expédition de quatorze cents livres, traîneaux, tentes, couvertures, vêtemens, provisions, munitions, instrumens scientifiques, objets d’échange ; c’était M. Petersen qui s’était chargé de conduire les traîneaux à chiens du commandant. On rencontra des Esquimaux après dix-huit jours d’une marche très laborieuse ; la température continuait à se maintenir fort basse, quelquefois jusqu’à 30 degrés au-dessous de zéro ; un vent âpre soufflant du nord coupait les visages, et les reflets du soleil sur la neige fatiguaient cruellement les yeux, bien que tous les hommes fussent pourvus de lunettes de couleur. Ces indigènes étaient ceux que Mac-Clintock avait déjà vus. Ils habitaient des huttes de neige de forme assez singulière. À la suite d’une espèce de corridor étroit s’ouvrent à droite et à gauche deux couloirs longs de vingt-cinq pieds, où l’on ne peut passer qu’en se traînant sur les genoux et sur les mains, et au bout de ces couloirs on trouve une hutte circulaire d’un diamètre de douze pieds et haute de six ou sept. La moitié de ces huttes est occupée par un banc en neige haut de deux pieds et couvert de peaux de rennes, c’est le lit de la famille. Dans un angle, un autre banc de moindre dimension sert de table de cuisine ; auprès est accroupie la ménagère de l’endroit, surveillant sa vaisselle et sa lampe de pierre. Ces lampes, formées d’un petit morceau de roche grossièrement taillé, sont suspendues dans un sac en peau de