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son sein ni à sa surface de trésors cachés ou de végétation prodigieuse qui puissent piquer la curiosité des aventuriers ou satisfaire une cupidité hâtive. Sa fertilité, rare pour le degré, est ordinaire pour la qualité. Le Pactole n’y roule point, et ce n’est pas la patrie des Mille et Une Nuits. Il n’en reviendra jamais ni nabab ni oncle d’Amérique pour terminer à point nommé le dénoûment d’une comédie. C’est une terre de bonne, de saine espèce, qui, avec des dépenses et des efforts modérés, peut produire abondamment les premiers élémens de la vie et de la richesse, le pain, l’huile, peut-être le vin et le fourrage des bestiaux. Viennent de bons laboureurs, les mains et les poches suffisamment garnies : s’ils travaillent, elle les paiera bien de leur peine et leur rendra avec un honnête intérêt les épargnes qu’ils lui confieront.

Contentons-nous de ce qu’elle a, ne lui demandons point ce qu’elle n’a pas. Point de cultures rares introduites par décrets du Moniteur à grand renfort de primes et de protections ! les primes, les protections ne sont que des moyens de faire venir artificiellement le capital, qui ne viendrait pas de lui-même, en lui garantissant un intérêt que la nature ne lui assure pas, et qui doit par conséquent sortir indirectement de la bourse des contribuables en passant par le trésor public. Outre que rien n’est moins équitable que de tirer ainsi de la poche de son voisin l’intérêt de son argent, rien n’est moins sûr et plus trompeur qu’un tel placement. Vient le jour où les contribuables se lassent et où le trésor public s’épuise : ce jour-là, l’intérêt n’est pas payé, et le capital, engagé dans une voie où il ne peut se reproduire, périt sans retour. C’est l’extrémité fâcheuse à laquelle est réduite en ce moment la culture du coton, introduite si bruyamment il y a peu d’années en Algérie sous la garantie d’un achat assuré par l’administration. Le terme de l’assurance approche, l’administration ne veut pas la renouveler, et les cultivateurs, étant hors d’état de soutenir la lutte, en seront pour leurs frais de plantation. Quand nous résoudrons-nous à croire qu’en ce qui touche ses produits la nature sait mieux ce qu’elle fait que nous, surtout sur une terre encore nue, où les hommes peu riches et peu nombreux n’ont presque aucun moyen de dompter et de modifier la nature ?

Dans les limites de ces conditions naturelles, qui sont excellentes sans être merveilleuses, un seul service peut être efficacement rendu par le gouvernement à la terre de sa colonie africaine : c’est de la rendre facile à aborder et à traverser. Sur ses côtes les bons ports, dans son intérieur les voies de communication manquent et sont difficiles à pratiquer. L’Algérie n’est point percée à jour par ces admirables fleuves du continent américain, qui, venant déboucher dans