Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/993

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ses pleurs vont tomber sur l’enfant qui rêve,
Sur l’enfant qui dort mollement bercé.

L’orphelin s’éveille ; il sourit et joue,
Et tend ses deux bras au vieux larmoyeur ;
L’aïeul se ranime : adieu la douleur !
Les pleurs répandus sèchent sur sa joue,
Un espoir nouveau réjouit son cœur.
L’orphelin s’éveille, il sourit et joue.

III.

AMOROSO

Je la rencontre à la même heure,
Seule, sur le pont, chaque jour.
Elle regagne sa demeure
Au bord de l’eau, dans le faubourg.

Elle a vingt ans au plus, sa mise
Est simple, mais charmante à voir :
Sur les plis de sa robe grise
Tombe une mante de drap noir ;

Son bonnet, dont le vent chiffonne
Les ruches aux tuyaux roulés,
Découvre une oreille mignonne
Et d’épais cheveux crêpelés.

Elle est petite, maigre et brune ;
Sous de longs cils, son regard luit,
Comme un féerique clair de lune,
Parmi les vapeurs de la nuit.

Sa bouche vermeille et charnue
Prend une étrange expression
De désir et de retenue,
D’ironie et de passion.

Les contours de son sein pudique
Et sa joue aux tons veloutés
Dans le pur marbre pentélique
Semblent avoir été sculptés.

Près des types de la Touraine,
Son air, son profil gracieux
De médaille syracusaine
Font un contraste merveilleux.