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considération les aspects qu’elle présente ; pourquoi les Italiens ne feraient-ils pas comme nous ? Nous croyons pouvoir affirmer qu’ils n’ont pas le droit de compter sur notre concours dans une nouvelle guerre où ils seraient les agresseurs. Certes rien dans les faits connus, patens, ne les encourage dans une telle illusion. L’empereur a expliqué la paix précipitée de Villafranca en disant que, pour continuer la guerre, il eût fallu tenir tête à une coalition et s’associer à la révolution. Or cette double éventualité, qui, toute vraisemblable qu’elle fût, n’était pourtant alors qu’hypothétique, elle la présente aujourd’hui comme une réalité incontestable, et l’on voudrait que l’empereur l’acceptât comme le point de départ d’une nouvelle entreprise en faveur de l’Italie. Aujourd’hui en effet, en recommençant la guerre, il faudrait bien s’associer à la révolution, puisqu’on suivrait l’impulsion de Garibaldi et de ses volontaires, et l’on affronterait une coalition, puisqu’on serait certain de la faire naître, sans pouvoir même espérer qu’elle ne s’étendrait pas de Londres à Saint-Pétersbourg. Les faits n’ont pas manqué en ces derniers temps, qui nous ont avertis que la Russie ne demeurerait point spectatrice bienveillante d’une seconde guerre d’Italie, et nous ne pensons pas que la lettre écrite par l’empereur à M. de Persigny soit de nature à la rendre pour nous une plus complaisante alliée. Pourrions-nous compter sur de meilleures dispositions de la part de l’Angleterre ? Nous le voudrions ; mais comment s’y fier après la façon dont nous venons d’être rudoyés par elle ? Venir nous dire au nez, comme l’a fait lord Palmerston, que l’on arme en défiance de nous et au besoin contre nous, est une forme d’amitié singulière. La lettre que l’empereur a écrite à M. de Persigny fait bien voir la gravité de ce procédé par l’importance d’un tel effort tenté ; pour rétablir les bonnes relations entre les deux gouvernemens. Certes nous ne serons pas soupçonnés d’être des adversaires de l’alliance anglaise. Nous avons assez hautement et assez courageusement, pouvons-nous dire, défendu cette noble alliance des deux premiers peuples du monde, si féconde en bienfaits non-seulement pour ces peuples, mais pour la civilisation générale. Ce n’est pas notre faute si dans le silence que gardent malgré elles, sur la politique courante, les grandes voix du pays, une nuée de publications sottes et folles, s’acharnant à déclamer contre l’Angleterre, à prophétiser sa décadence, à la menacer d’absurdes plans d’invasion, ont trompé le peuple anglais sur les desseins réels de la France. Ce n’est pas notre faute si des actes mal combinés ou mal expliqués ont fait croire à l’Angleterre qu’elle avait besoin de se couvrir d’armemens formidables pour se faire écouter dans les conseils de l’Europe. On accusait notre patriotisme, tandis que nos opinions, si elles avaient prévalu, nous eussent épargné les extrémités dont nous venons d’avoir le spectacle. Ce sont au contraire les fausses tendances et les malencontreuses idées que nous combattions qui ont rendu, nous ne dirons pas nécessaire, mais, à ce qu’il paraît, opportune la lettre de l’empereur à M. de Persigny. Nous n’aurions pas cru, quant à nous, que la situation exigeât ce remède héroïque. Nous ne supposions pas que nous en fussions encore ré-