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presque partout un engouement fébrile ; danger pour nos mœurs et pour notre puissance, parce que c’est au village que se forment les robustes soldats, et dans les agglomérations urbaines que germe l’émeute et que fermente le vice.

C’est Louis XIV qui, avec le faste de sa cour et l’influence de son règne, a commencé à tuer en France le goût de la vie rurale ; or je ne sache pas que les dernières années de ce prince et les années qui l’ont suivi aient été heureuses. Malheur à notre vieillesse, malheur à nos fils, si nous marchons dans la même voie ! Nous devons donc tous seconder de tous nos efforts les saines tentatives que fait ou que fera le gouvernement pour développer le goût de l’agriculture et venir en aide à nos cultivateurs. Nous devons tous combattre de toutes nos forces les tendances contraires qui pourraient se produire.

Quelles sont les lois qui régissent le taux du salaire ? Quel est le rôle joué par les machines relativement au travail, au salaire et à la propriété ? Quelles sont les conditions générales et les moteurs possibles de la machinerie agricole ? Quelle est enfin, dans les mille détails de l’industrie de la terre, l’intervention actuelle des machines ? Voilà les sujets de méditation que le concours agricole de 1860 propose à notre esprit. Abordons-les rapidement, mais nettement, car cette étude nous fixera sur la ligne de conduite que nous devons suivre.


I

Le taux des salaires obéit, est-il besoin de le rappeler ? à cette loi générale qui veut que le prix de toute chose se règle sur l’offre et la demande. C’est par suite d’une grande disproportion entre les bras qui s’offrent et le capital qui les demande que le prix de la main-d’œuvre s’est élevé si haut dans les parties nouvellement défrichées de l’Amérique du Nord, alors que restait si bas le prix des denrées agricoles nécessaires à la vie. Au contraire, dans les régions depuis longtemps habitées, où l’on ne connaît que l’industrie de la terre, le taux des salaires reste bas, parce que les hommes s’y sont multipliés sans que rien fasse concurrence aux propriétaires ou aux exploitans du sol ; mais, aussitôt que des manufactures s’établissent dans le pays et viennent solliciter les bras pour leurs nombreux travaux, le taux du salaire augmente, parce qu’il y a pour la même population accroissement dans la demande ; puis, quand ces manufactures prospèrent, le salaire devient plus fort encore, parce qu’il faut plus de temps pour introduire ou élever de nouveaux travailleurs qu’il n’en faut ordinairement aux manufacturiers pour multiplier leurs ressources et leurs besoins en réalisant de nouveaux progrès.