Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de république, si l’on rêve quelque chose, c’est une république universelle, c’est-à-dire le renversement de tout notre système politique. Des provinces qui s’administreront librement, et qui, avec une loi électorale convenable, auront le choix de leurs fonctionnaires locaux, ne seront nullement conduites pour cela à usurper les droits des autorités générales de l’état ; elles ne seront pas de petites républiques, elles formeront un faisceau de forces libres et intelligentes groupées autour du parlement et du roi, symbole vivant et glorieux de la nation tout entière. Il faudrait supposer que nous voulons marcher contre toutes les idées modernes, que nous ne comprenons rien aux grands intérêts qui dominent aujourd’hui partout, que l’expérience du passé et les présages de l’avenir sont sans influence sur nos opinions et notre conduite, pour croire que nous puissions nous exposer à voir renaître en plein XIXe siècle l’Italie du moyen âge. Ce qui s’est passé dans l’Italie centrale depuis la paix de Villafranca, la persévérance, l’accord des populations, offrent à coup sûr un spectacle rassurant, et sont une preuve de sagesse autant qu’une garantie de succès.

Aurions-nous à redouter d’un autre côté les influences extérieures qui chercheraient à contrarier notre organisation politique dans un certain sens ? Un des plus grands avantages pour nous aujourd’hui, c’est que toute l’Europe est d’accord pour considérer ce qui se passe en Italie comme une affaire qui ne regarde que les Italiens seuls. Le principe de non-intervention nous couvre. Il n’y a donc aucun motif sérieux de croire que des considérations de politique internationale puissent peser sur notre développement intérieur. Nous croyons au contraire que l’opinion universelle nous est favorable, qu’elle nous encourage à mettre le plus promptement possible la main à cette œuvre longue et difficile, consistant à organiser un royaume composé de diverses provinces dont il est bon de conserver la vie propre en tant que la force et la grandeur de la nation n’en peuvent recevoir aucune atteinte. Les grands résultats que nous avons obtenus depuis un an sont le fruit de la patience, du courage, de la persévérance des Italiens et de l’assistance de nos alliés. L’avenir nous est assuré aux mêmes conditions. Dans le parlement, dans les conseils municipaux, dans la presse, chacun de nous, selon la portée de son influence, n’a aujourd’hui qu’un devoir à remplir, celui de seconder et de fortifier le gouvernement, afin qu’il puisse constituer le royaume de Victor-Emmanuel, noyau de notre nationalité. Restons donc fidèles à cette ligne de conduite, sans oublier que dans un pays comme l’Italie, où tant d’intérêts sont à ménager, le vrai problème à résoudre est de concilier les droits supérieurs de la nation avec le développement libre des populations de goûts, de mœurs, d’esprit divers, qui composent la péninsule. Là est pour nous la force, là est l’avenir.


C. MATTEUCCI.


V. DE MARS.