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colorans, sapides, aromatiques et astringens. Il convient à la fabrication des vins rouges ordinaires et des vins fins les plus estimés, les plus salubres, et dont il se fait la plus grande consommation.

Dès que, dans les moûts ainsi préparés, la fermentation commence, on voit peu à peu se produire l’effervescence due à l’acide carbonique gazeux qui se dégage, et qui amène à la superficie une partie des pellicules du raisin. Ainsi se forme l’espèce d’écume que les vignerons désignent sous le nom de chapeau. C’est alors, en vue de répartir dans la masse cette écume et d’achever l’écrasage des grains amollis par la fermentation, qu’un second foulage, dans beaucoup de localités encore, est opéré par des hommes qui de nouveau descendent tout nus dans la cuve, et tous les ans il arrive que plus d’un ouvrier fouleur (calcator), respirant au milieu d’un air chargé de gaz acide carbonique, tombe sous le coup d’une asphyxie mortelle, s’il n’est secouru à temps. On ne saurait trop prémunir par de sages conseils les vignerons contre les dangers d’une semblable méthode, que l’écrasage préalable remplace d’ailleurs avec avantage au point de vue de la régularité de la fermentation et de la qualité du vin. En tout cas, il importe de refouler le chapeau dans l’intérieur de la cuve, afin de l’immerger complètement sans attendre que le contact de l’air ait développé, sur la superficie considérable que présente cette masse spongieuse, des fermens acides et putrides, et même des végétations cryptogamiques ou moisissures à odeur nauséabonde[1].

L’époque la plus convenable pour le décuvage ou le soutirage du vin laisse encore quelques doutes dans l’esprit des œnologues : cependant on s’accorde assez généralement à choisir le moment où la fermentation vive, ayant à peu près complètement cessé, permet au chapeau de s’affaisser spontanément et au vin de s’éclaircir. Ces phénomènes offrent des indications plus certaines que l’avis des paysans dégustateurs ou la diminution de la densité du vin jusqu’à

  1. Parfois il arrive que, sous l’influence d’une température douce et humide, ces altérations se sont inopinément produites ; il faut se garder alors de refouler la masse écumeuse dans la cuve et se hâter soit d’enlever toute la partie superficielle atteinte, si la fermentation est encore peu avancée, soit de soutirer le vin éclairci, qui doit achever sa fermentation alcoolique dans des tonneaux ou des foudres, sauf à séparer du marc la superficie altérée avant de porter le surplus au pressoir. L’emploi des cuves closes, ou mieux des grilles en bois à larges ouvertures qui maintiennent toutes les rafles immergées, permet d’éviter ces accidens de fabrication. M. Maumenée, dans son remarquable ouvrage sur le travail des vins, conseille un moyen simple et facile de répartir les rafles et pellicules dans toute la masse de la vendange préalablement écrasée : il dispose, à mesure que la cuve s’emplit, à chaque cinquième de sa hauteur, un filet fixé à des crochets renversés ; le marc est ainsi retenu et convenablement espacé ; ne pouvant monter en écume, il offre une grande surface à l’action du liquide, qui peut aisément dissoudre les substances utiles à la coloration et à l’astringence du vin.